KAREN ARBULÚ : DE LA SOBRIETE SACREE DES PARURES D’AVANT-GARDE

par Alain-Cardenas Castro et Christophe Comentale

Karen Arbulú (1957, Lima) a reçu en don une habileté non seulement manuelle, mais aussi celui, plus mouvant de l’art de conter une histoire impossible : elle sait tirer parti d’une histoire et d’une culture qui se rejoignent à travers des pièces d’une orfèvrerie unique, celle de ses racines et de la culture péruvienne qui allie, au fil des siècles, tradition et rituels, nature et imposante civilisation.

Face à un tel poids du passé, il semble peu évident de se libérer de modèles devenus parfois pesants, sauf si l’on sait les sublimer. Portrait d’une orfèvre du 21e siècle


Ci-dessus, de gauche à droite. (ill. 1) Karen Arbulù, Collar Plumas, cuivre et bronze oxydés ; (ill. 2) Alain Cardenas-Castro, fiche technique manuscrite


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JEAN COCTEAU ET SES AMIS ARTISTES ETRANGERS, DE DOMINIQUE DALOZO A ZHANG HUA. Quelques remarques

让·科克 托 (1882-1973)和他的朋友作为外国艺术家,从多米尼克·达洛佐到张华

Jean Cocteau and his friends as foreign artists, from Dominique Dalozo to Zhang Hua. A few remarks

par Christophe Comentale

Parmi ses multiples relations dans le milieu culturel, outre les présences de Tsugaru Fujita et Kees Van Dongen, au moins trois autres amis étrangers ont fréquenté Jean Cocteau entre Paris et Menton.

 ZHANG Hua, Hommage Jean Cocteau (1963), détail d’une huile sur toile, 50 x 65 cm , 1963 (collection privée)
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DOMINIQUE OROZCO, GINKGO ET BRODERIE AU CROCHET DE LUNEVILLE

par Brigitte Guilbaud et Christophe Comentale

La broderie est — lit-on dans les encyclopédies, dictionnaires, manuels et livres pratiques décrivant les techniques sous-jacentes à ce savoir-faire — un art de décoration des tissus : motifs plats ou en relief faits de fils simples, matériaux tels que paillettes, perles, voire pierres précieuses, les enrichissent. Différents points exécutés avec des fils de lin, coton, soie ou laine donnent vie aux broderies que l’on retrouve par exemple sur des vêtements, des accessoires, des mouchoirs, du linge de maison, des ensembles liturgiques (nappe d’autel, voile de calice, pavillon de ciboire etc.) ou des éléments de décoration intérieure. Si Dominique Orozco déploie son talent de brodeuse d’art depuis plusieurs décennies, ce sont les feuilles de gingko [銀杏] qui l’ont inspirée dès la première vision du tapis doré qu’elles forment, chaque automne. Amoureuse de cet « abricot argenté », « fossile vivant », première espèce d’arbre à repousser après la bombe atomique d’Hiroshima, elle observe le moindre détail de ses feuilles, leur matière, leurs formes variées. Par la vertu d’un regard que le métier a affûté, elle consacre de très longues heures à la création d’œuvres uniques.


(ill. 1) Dominique Orozco, jardin du Luxembourg, Paris, nov. 2024


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Angélisme surréaliste. A propos d’une huile sur panneau de Dominique Irma Dalozo, Et l’aube tarde à venir

par Christophe Comentale

La dispersion récente d’un fonds d’œuvres de deux artistes apparentées au courant si ramifié et paradoxal du surréalisme, Yvonne Bilis Régnier et Dominique Irma Dalozo, disparues en 2017, ne cesse de réserver des surprises tant au niveau des techniques employées que des thèmes traités pour des supports divers. Papier, carton, toile, panneau de bois, de dimensions modestes ou imposantes restituent progressivement les étapes qui jalonnent les processus d’une création surprenante allant de la représentation de créatures angéliques à celle d’êtres quelque peu inquiétants.

Tradition et structuration de l’imaginaire

Dessin, crayon, huile, technique mixte, les œuvres sont, le plus souvent, signées ou monogrammées, parfois seulement datées, au recto ou au verso : c’est aussi au verso que l’on trouve parfois des citations et dédicaces diverses, écrites dans une langue poétique et littéraire.

Ainsi en va-t-il de cette huile sur panneau :

« Et l’aube tarde à venir,

Nous l’attendons, tous ensemble.

Elle finira par illuminer le monde ».

(ill. 1) Dominique Irma Dalozo, Etude de personnage médiéval, juin 1957, mine de plomb, 20,8 x 13,5 cm
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De la botanique à l’art du bouquet. Portrait de Patricia Salmón, créatrice florale

par Marie-Paule Peronnet (*)

L’art floral est le résultat, la conclusion d’un processus individuel devenu la mise en scène présentée, à priori, au tout-venant, en fait à des catégories aussi diverses que sont le s spectateurs ou les acteurs, ceux qui vont redonner une approche autre à ces éléments d’une « nature » métamorphosée en une donnée autre, une approche qui peut vaincre le temps, lui-même limité à la durée de vie de cet art de l’éphémère.

Si l’on s’attarde sur les définitions…

Si l’on s’attarde sur les définitions du mot botanique, on peut constater une hiérarchie dans les différents domaines s’y rapportant, en commençant par la science qui a pour objet l’étude des végétaux, en fait, la botanique générale. On distingue ensuite, des sous domaines qui s’y rattachent tels que la taxonomie, la systématique, la morphologie végétale, l’histologie végétale, la physiologie végétale, la biogéographie végétale et la pathologie végétale. Il y a aussi d’autres disciplines plus spécialisées comme la dendrologie (du grec dendron signifiant « arbre » et logos signifiant « discours, science », c’est la science de reconnaissance et de classification des arbres, et plus généralement la science des végétaux ligneux) et plus spécialisée encore, la dendrochronologie (méthode de datation basée sur l’étude et la mesure des cernes de croissance annuelle de l’arbre). Ce sont aussi, pour terminer cette liste non exhaustive, les domaines de la botanique se rapportant aux connaissances précises et détaillées des végétaux. Des domaines trouvant leurs applications en pharmacologie, dans la sélection et l’amélioration des plantes cultivées, en agriculture, en horticulture, et en sylviculture. Tous ces métiers relatifs aux sciences botaniques sont exercés par des scientifiques (ill. 1 et 4) qui œuvrent à leurs recherches, animés par la passion des végétaux. Passion partagée par d’autres chercheurs et praticiens que sont les dessinateurs scientifiques (ill. 2), les fleuristes (ill. 3) et les peintres (ill. 3), prenant pour matériaux et modèles le végétal.

Ci-dessus, de haut en bas et de gauche à droite. (ill. 1) Patricia Salmón (1962) ; (ill. 2) Joseph de Jussieu (1704-1779) ; (ill. 3) Pierre-Joseph Redouté (1759-1840) ; (ill. 4) Adrien de Jussieu (1797-1853).

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MICHEL QUAREZ, DU NOIR A LA POLYCHROMIE

par Christophe Comentale, coordination éditoriale Alain Cardenas-Castro

Peintre, dessinateur et affichiste, Michel Quarez (Damas, 1938 – Saint-Denis, 2021) reçoit une formation à l’École des Beaux-Arts de Bordeaux puis obtient son diplôme de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs. En 1961, il complète sa formation auprès de l’affichiste Henryk Tomaszewski (Varsovie, 1914-2005) qui l’accueille dans son atelier aux Beaux-arts de Varsovie jusqu’en 1962. De retour en France, Quarez devient directeur artistique à l’agence SNIP, l’agence de publicité de Prouvost, Lainières de Roubaix, de 1964 à 1966. Ses œuvres sont désormais dans différents fonds institutionnels et privés.


Ci-dessus, de gauche à droite. Portrait mi-corps de Michel Quarez, coll. Rachid Senouci ; Michel Quarez, Autoportrait, palette graphique (ca 1983-1990).


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ZHANG HUA : UNE ETUDE DE NU MASCULIN SUR CALQUE

par Christophe Comentale

Remis au goût du jour depuis peu d’années après une veille documentaire plus large, Zhang Hua, peintre chinois prolifique et très original dans sa trajectoire esthétique, ne cesse de faire l’objet de découvertes qui mettent en ébullition le monde du marché de l’art et des collectionneurs. Les musées outre-Manche sont également intéressés par ce génie qui dérange la classification devenue vétuste qui réussit, l’espace de quelques années, de faire un état des artistes chinois venus en France pendant le 20e siècle, de Fang Junbi (1888-1986) à Zhao Wuji [Zao Wuki] (1920-2013).


Ci-dessus, de gauche à droite. Zhang Hua, Homme nu au ballon (ca 1950), crayon de couleur et rehauts de blanc sur calque, 39 x 26 cm ; Zhang Hua, Femme au chapeau à fleurs [détail] (ca 1950), huile sur panneau (instrument à cordes)


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DE LA DIVERSITE DES CREATIONS D’ANATOLE RIECKE, MAITRE VERRIER

关于阿纳托尔·里克玻璃大师创作的多样性

par Christophe Comentale et Alain Cardenas-Castro

 阿纳托尔·里克 (Anatole Riecke) 是一位玻璃大师,他在 30 年代为位于蒙帕纳斯区的著名巴黎小酒馆 La Coupole 制作了大量作品,从而(重新)发现了他的作品,这表明品味的波动是多么难以控制 – 幸运的是 – 难以控制。

La (re)découverte de la création d’Anatole Riecke maître verrier qui s’est notamment illustré en exécutant dans les années 30 un important nombre de pièces pour la brasserie parisienne de La Coupole, établissement sis dans le quartier Montparnasse, montre combien les fluctuations du goût sont heureusement – peu maîtrisables. Cette redécouverte progressive permet de voir dans ce domaine si complexe, une autre forme artistique qui vient en symétrie esthétique à la forte présence des pâtes de verre dues aux ateliers Gallé et à ses contemporains

Dans une précédente livraison (ANATOLE RIECKE, redécouverte de l’œuvre d’un paysagiste verrier), nous avons abordé un pan particulier de l’œuvre d’Anatole Riecke, un ensemble d’œuvres qui oscille entre des pièces d’apparat aux dimensions imposantes dans le contexte d’un lieu de réception et des réalisations plus quotidiennes puisque l’ensemble de pièces parvenues jusqu’à nous est révélateur d’une époque particulière. Comme l’explique Bernard Sanchez, amateur et marchand avisé de verrerie de création, « j’ai pu découvrir des pièces en grand nombre, comme oubliées des amateurs. Je constate que cette désaffection est maintenant un mauvais souvenir ». Imposantes ou complémentaires à un mobilier circonstancié, ces pièces souvent d’influences conjuguées conjuguent le fait de mettre en valeur les jeux des transparences que ce matériau permet entre les jeux d’une monochromie savante et des tonalités nées des halos polychromes qui parsèment certaines œuvres.

(ill. 1)
(ill. 2)

Ci-dessus. (ill. 1 et 2) Vase bleu à section carré, coins arrondis. H. 11,5 cm  /  larg. max. 12 cm  /  larg. base 10 cm. Signé et daté sur la face, gravée [A. Riecke, 24. 7. 59]


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COMPTE RENDU DE MISSION LIMA CUZCO 2024

Traditions du Sud-andin péruvien, littérature, archéologie et art contemporain.

par Alain Cardenas-Castro

Une mission est une suite d’événements programmés sur ou à partir desquelles se greffent des éléments imprévus générés au fil des rencontres. La présentation du livre Qalachanky, A pata pelada de Clemencia Salmón, à Lima et l’invitation à présenter mon travail de peintre, muséographe et chercheur aux étudiants de l’Université Diego Quispe Tito de Cusco ont été les principales raisons de mon voyage au Pérou.

A partir de là, le cours des choses* a enclenché un enchainement de rencontres, parfois surprenantes, qui m’ont permis d’étudier plus avant l’archéologie, l’art populaire et l’art contemporain péruvien (ill. 1).

Rencontrer les artistes péruviens tels Yerko Zlatar, Ricardo Wiesse, Adriana Ciudad, Nancy La Rosa, Alberto Quintanilla, Ramiro Llona, m’a permis de constater la présence de la création contemporaine active et diversifiée au sein de l’offre culturel liménienne en ce début de printemps au Pérou. Musées, galeries, centres d’art, proposent de multiples événements pour divers publics (ill. 2). Un agenda dynamique dont on retrouve quelques bribes dans la magnifique cité de Cusco. Le spectacle vivant n’est pas en reste avec la programmation de plusieurs pièces d’Anton Tchekhov dans les théâtres de Lima et la venue de Paul McCartney qui a rassemblé des foules de générations différentes pour un unique concert dans la capitale péruvienne.


Ci-dessus. *(ill. 1) Peter Fischli et David Weiss. Le cours des choses : dans l’atelier (1985-2006), Vidéo, 68 min. ; (ill. 2) Design canin de Miraflores, 2024


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PATRICE HUGUIER, DEMONS ET MERVEILLES

par Alain Cardenas-Castro et Christophe Comentale

Compte-rendu d’exposition

Galerie d’art, Le bonheur est dans l’instant, 72, rue Amelot, Paris 11e

Affiche de l’exposition. Collage et acrylique, 70 x 50 cm

Peintre, graveur, sculpteur, performer, écrivain, Patrice Huguier (Paris, 1938) (ill. 1) est bâtisseur aussi ! Quelle que soit la discipline approchée, la technique utilisée, ce créateur polymorphe est un constant prestidigitateur qui n’hésite pas à créer ses propres espaces d’exposition …

(ill. 1) Patrice Huguier
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