De la comparaison de pièces archéologiques chinoises et péruviennes

par Alain Cardenas-Castro et Christophe Comentale

Le rapport entre art et sciences se traduit parfois avec la comparaison d’objets produits par l’Homme. Nous avons choisi huit pièces chinoises et péruviennes d’un matériel archéologique intégré dans des collections patrimoniales. Ces artefacts issus d’époques et de lieux différents permettent d’analyser la fonction de ces objets, leur fabrication, les techniques et les matériaux mis en œuvre ainsi que les motifs de leur décor : des caractéristiques qui reflètent des comportements symboliques communs.

En premier lieu, trois planches (pl.1, 2, 3) concrétisent et accompagnent l’analyse comparative. La planche 1 regroupe les huit objets selon quatre binômes mettant en vis à vis les pièces chinoises et péruviennes. Ensuite, la planche 2 comprend deux cartes de localisation des sites archéologiques d’où proviennent les pièces choisies. Les deux cartes indiquent la situation des différentes cultures auxquelles ces pièces appartiennent en Chine et au Pérou. Enfin, la planche 3 met en contact visuel les pièces archéologiques en les reliant à leurs sites d’origine.

PLANCHE 1. TABLEAU COMPARATIF.

CORPUS DES PIECES ARCHEOLOGIQUES


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D’une peinture de marine trouvée au Peyrou, l’ « Aquitaine », et d’une suite d’autres bateaux singuliers…

par Alain Cardenas-Castro

Après le livre du peintre Emile Gallois[1] (1882, Ligny en Barrois – 1965, Clichy la Garenne) qui m’a permis de rapporter le travail collaboratif de ce spécialiste du costume avec le peintre péruvien Juan Manuel Cardenas-Castro[2], un autre objet, trouvé également sur un marché d’occasion, m’a permis, cette fois, de mettre en avant quelques-unes de mes œuvres se rapportant à la thématique maritime.

L’objet trouvé est une peinture représentant le paquebot [« Aquitaine »] signée et datée [J. Dutoit, 1909] (ill. 1). En l’observant plus attentivement, cette marine de petit format (38 x 55 cm) se révèle d’une facture particulière. En effet, J. Dutoit a utilisé des timbres de collection découpés puis collés pour réaliser son œuvre que l’on peut ainsi rattacher à l’Art Brut défini par Jean Dubuffet (1901-1985).

Les œuvres d’Art Brut sont réalisées par des créateurs autodidactes. Ils créent un univers à leur propre usage sans se préoccuper de la critique du public et du regard d’autrui. […] Ne recherchant ni reconnaissance, ni approbation, ils conçoivent un univers à leur propre usage. Leurs travaux, réalisés à l’aide de moyens et de matériaux souvent inédits, sont indemnes des influences exercées par la tradition artistique, et mettent en application des modes de figuration singuliers. La notion d’Art Brut repose à la fois sur des caractéristiques sociales et des particularités esthétiques.[3]

(ill. 1) J. Dutoit. « Aquitaine » (1909), collage de timbres de collection et gouache sur carton, 38 x 55 cm
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« Juan-Cardenas-Castro-Kanchacc » à la Maison de l’Amérique latine. De l’utilisation d’un pseudonyme au livre d’or de l’exposition. Paris 1956

par Alain Cardenas-Castro

La Maison de l’Amérique latine, à Paris, est un espace culturel qui a été fondé en 1946 à l’initiative du ministère français des Affaires étrangères. Sise à Paris, au 217 boulevard Saint-Germain, cette institution est destinée aux échanges culturels, économiques et diplomatiques entre la France et les pays d’Amérique latine, quelle que soit leur tendance politique. Avant 1965, la Maison de l’Amérique latine était située au 96 avenue d’Iéna, non loin de la Place de l’Etoile. En 1956, le peintre péruvien Juan Manuel Cardenas-Castro y présente ses peintures lors d’une exposition monographique intitulée  » Juan-Cardenas-Castro-Kanchacc »…

La Maison de l’Amérique latine

Je rappellerai ici les origines de cette institution dont le point de départ est la volonté du gouvernement français — conscient du développement considérable pris par l’Amérique latine dans le monde après la guerre de 1940 — de chercher le moyen d’organiser des rapports plus suivis et plus amicaux entre le ministère des Affaires étrangères, les personnalités françaises intéressées par l’Amérique latine et les représentants en France des nations latino-américaines. Effectivement, c’est Monsieur Etienne Dennery (1903-1979), directeur des affaires d’Amérique au ministère des Affaires étrangères, qui prend l’initiative de réunir dans son cabinet, en 1946, quelques personnes connu pour leur attachement à l’Amérique latine ou leurs connaissances particulières de ses problèmes : M. Luiz Martins de Souza Dantas (1876-1954), ancien ambassadeur du Brésil ; M. Luiz Ulmann, son secrétaire ; Paul Rivet (1876-1958), le fondateur du Musée de l’Homme ; le professeur Raymond Ronze (1887-1966), spécialiste des civilisations de l’Amérique latine ; M. Robert de Billy (1894-1991), connaisseur et amateur de l’Amérique latine. Parmi ces personnalités, Luiz Ulmann, décide de modifier les statuts d’une association créée en 1944 — ayant pour objet la réunion des Brésiliens à Paris et l’accueil des membres du corps expéditionnaire militaire brésilien en France — pour l’étendre à tous les Latino-Américains. De cette façon, le désir du gouvernement français et l’initiative franco-brésilienne de Luiz Ulmann ont constitués la base fondatrice de la Maison de l’Amérique latine. Plus d’une vingtaine d’années plus tard, en 1965, l’immeuble de l’avenue d’Iéna est mis en vente et l’association n’a pas les moyens de l’acquérir. C’est le soutien du Général de Gaulle qui permet à la Maison de l’Amérique latine de s’installer dans les deux hôtels particuliers des 217, bld Saint-Germain et 1, rue Saint-Dominique et de poursuivre ses objectifs (ill 1). Ainsi, au fil des années, la Maison de l’Amérique latine accompli sa mission en suivant l’évolution générale des politiques française et latino-américaine avec une intense activité permettant les échanges et les rencontres, rencontres le plus souvent culturelles…

(ill. 1) Les jardins de la maison de l’Amérique latine à Paris en 2011 © Dalbéra Jean-Pierre
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Images et représentations du Pérou en France (1821-2021)

par Alain Cardenas-Castro

J’ai, voilà une année, éprouvé la nécessité de faire le point sur le colloque international, « Images et représentations du Pérou en France – 1821-2021 » qui s’est tenu au Musée d’Aquitaine sis à Bordeaux le vendredi 12 et le samedi 13 novembre 2021 (voir le blog Sciences et art contemporain, en date du 30 avril 2022). Il fait suite à la commémoration du Bicentenaire de l’indépendance du Pérou, un acte important qui remonte au 28 juillet 1821. La manifestation est due à l’initiative de Madame Isabelle Tauzin-Castellanos qui avait rassemblé vingt-deux intervenants. Cette collègue, universitaire, coordinatrice du colloque, est professeur de l’Université Bordeaux Montaigne et membre honoraire de l’Institut Universitaire de France. Une publication fait le point sur cet événement important pour les chercheurs et amateurs de l’art et de la civilisation péruvienne.

Images et représentations du Pérou en France – 1821-2021, sous la dir. d’Isabelle Tauzin-Castellanos, Mónica Cárdenas Moreno, Maylis Santa-Cruz.

Bordeaux : Presses Universitaires Indianocéaniques, 2022, 406 p., 15 x 22 cm
ISBN : 978-2-38444-006-1
Prix public : 16 euros

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Le puma à plume et autres motifs précolombiens. Des dessins scientifiques retrouvés dans l’atelier de Juan Manuel Cardenas-Castro : l’art de l’Ancien Pérou enseigné par l’image

par Alain Cardenas-Castro

« C’est dans les paradoxes du travail artistique que se révèlent quelques-unes des mutations les plus significatives du travail et des systèmes d’emploi modernes.[1]». Il en va ainsi du travail créatif qui peut se penser autour des notions d’originalité, d’innovation et d’inégalité, à l’aune de la vie de nombreux artistes, qui, pour subvenir aux besoins de leur quotidien sont obligés d’avoir d’autres activités annexes. Tel a été le cas pour plusieurs artistes péruviens dont Elena Izcue et les frères Cardenas-Castro.

Pour mémoire, les frères Cardenas-Castro, après avoir entamé une carrière de peintres au Pérou, ont effectué leur voyage en Europe au début de la troisième décennie du XXe siècle. Juan Manuel Cardenas-Castro arrive à Paris en 1920 précédant son frère José Félix, qui, lui, arrive à Madrid l’année suivante[2]. Ils se retrouvent ensemble à Paris dans l’effervescence du Montparnasse des années dites « folles », poursuivant chacun leur œuvre tout en effectuant d’autres activités afin de pallier aux aléas financiers.

De la diffusion de contenu scientifique. Les esquisses et dessins de Juan Manuel Cardenas-Castro

Dans le corpus des œuvres dessinées du peintre péruvien Juan Manuel Cardenas-Castro, il existe quelques dessins de type scientifique[3] (ill. 1 à 15). Retrouvé dans son atelier parisien, ces dessins ont été réalisés durant la période pendant laquelle Juan Manuel Cardenas-Castro a travaillé au Musée d’Ethnographie du Trocadéro et au Musée de l’Homme — une période allant de 1928 jusqu’aux années 1950. Ces dessins témoignent de son activité de muséographe exercée pour des institutions notoires au sein du monde scientifique, activité qu’il a menée parallèlement au développement de son œuvre personnelle.


Ci-dessus, de gauche à droite et de haut en bas. (ill. 1 à 15) Le corpus des dessins scientifiques du fonds Cardenas-Castro réalisés par Juan Manuel Cardenas-Castro


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Des Costumes espagnols d’Émile Gallois aux gouaches indigénistes de Juan Manuel Cardenas-Castro. L’histoire d’un album inachevé

par Alain Cardenas-Castro

Les aléas de la bibliophilie n’ont cessé de générer et de répandre des surprises au fil du temps, modulant les critères de rareté au gré des techniques, des esthétiques et des projets qui ont permis de laisser des œuvres toujours aussi séduisantes pour le plaisir des jeux et des regards. Certains de ces projets n’ont pu aboutir, le temps a eu raison de leur concrétisation. Ce recueil de planches permet de se pencher sur ces curiosa et d’en préciser d’autres.

L’époque actuelle, quelque peu insouciante et mouvante, malgré une volonté des structures globalisantes d’uniformiser les pratiques, permet encore aux artistes de se confronter à la conception de projets variés. Des projets artistiques, qui, parfois, ne trouvent pas d’issue ou bien n’aboutissent pas dans leur processus de fabrication.

Ces projets inachevés sont innombrables. On les retrouve dans tous les domaines que compte les réalisations humaines et à toutes les époques de l’Histoire. La construction inachevée de La Tour de Babel mentionnée dans la Genèse biblique en est un exemple mythique. Ce thème a inspiré de nombreux artistes tel que le peintre flamand, Pieter Brueghel l’Ancien (vers 1525-1569) (ill. 1). Parmi les œuvres d’art inachevées, le tableau Traité de Paris a été commencé par Benjamin West (1738-1820) au cours des années 1783 et 1784 sans avoir pu être terminée. Une partie de la composition est manquante car les membres de la délégation britannique ont refusé de poser suite à la défaite de leur pays, ne permettant pas à l’artiste de finir cette peinture d’histoire (ill. 2).


Ci-dessus, de gauche à droite. (ill. 1) Pieter Brueghel l’Ancien. La Tour de Babel (1563), huile sur toile, 114 x 155 cm, Kunsthistorisches Museum, Vienne ; (ill. 2) Benjamin West. Traité de Paris (1783-1784), huile sur toile, 72,3 x 92 cm, Winterthur Museum, Winterthur, Delaware


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Indigénisme et narration du quotidien. De Mario Urteaga (1875-1957) à Juan Manuel Cardenas-Castro (1891-1988)

par Alain Cardenas-Castro

Ce texte a fait l’objet d’une intervention lors du colloque qui s’est tenu à l’Université de Picardie Jules Verne dans le cadre de l’Université d’été des hispanistes d’Amiens, du 4 au 7 juillet 2022.

Les peintres péruviens Mario Urteaga (Cajamarca 1875 – Cajamarca 1957) et Juan Manuel Cardenas-Castro (Urubamba, 1891 – Paris, 1988) sont des créateurs dont les parcours respectifs ont été marqués par l’engagement, la curiosité et la pluridisciplinarité. Malgré des trajectoires différentes tout en suivant des domaines divers et variés comme le dessin de presse, l’anthropologie et la muséographie pour Cardenas-Castro ou l’enseignement, la politique et le négoce de bétail pour Urteaga, on perçoit dans l’œuvre de ces deux peintres autodidactes un fil conducteur commun : l’importance donnée à leur culture d’origine provinciale en témoins fidèles de la vie indigène. Ce profond attachement qui les relie à leur terre natale est visible dans leurs peintures, des paysages et des scènes décrivant le quotidien des habitants de la région de Cajamarca pour Urteaga et de la région de Cusco pour Cardenas-Castro.

Considérés aujourd’hui comme des représentants de la peinture indigéniste, Urteaga et Cardenas-Castro n’ont pourtant pas adhéré à ce mouvement de l’avant-garde artistique des années 1920 au Pérou. L’indigénisme, mouvement proposant un vaste programme culturel et politique centré sur les revendications autochtones. Toutefois, Urteaga commence à peindre en suivant cette thématique à partir de 1920 alors que l’on a connaissance du traitement de cette thématique par Cardenas-Castro au moins à partir de 1917.[1]


Ci-dessus, de gauche à droite. (ill. 1) Mario Urteaga entre 1911 et 1915 ; (ill. 2) Juan Manuel Cardenas-Castro dans les jardins du Trocadéro, à Paris, vers 1940. Archives Cardenas-Castro


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A propos du … Lauréat du Concours 2022 du livre d’artiste de la ville d’Issy-les-Moulineaux, « Ombre et lumière du tarot. Chronique d’un monde disparu ».

par Frédéric Harranger et Christophe Comentale

Parallèlement à la numérisation sociale, vaste processus technico-politique qui permet d’ores et déjà de simplifier de façon harmonieuse — le plus souvent — et autoritaire — aussi — les transactions du quotidien, le goût et les envies continuent d’induire une production artistique dont le livre d’artiste est un des indices forts. Cette présence de documents de tous types, réalisés en tous formats et selon les techniques les plus libres continue de donner à la création toutes ses facettes possibles.

 

Forte d’un fonds de près d’un millier de livres d’artistes qui sont un florilège d’œuvres allant des années 60 du 20e siècle à nos jours, et afin d’assurer une continuité à la présence de ce type de document dans les collections de la médiathèque, une acquisition de livre d’artiste peut être faite par le biais d’un concours annuel comprenant un appel à candidatures. Au lauréat sélectionné est attribué un prix de 1000 euros, l’œuvre entrant alors dans les fonds de la médiathèque et faisant l’objet d’une présentation particulière lors du Salon du livre qui se tient en la commune d’Issy-les-Moulineaux le 11 juin.

Le jury réuni cette année était composé de professionnels du livre et de la lecture, Mesdames Hélène Valloteau conservateur en chef à la bibliothèque Francoise Sagan (Paris), Madame Candice Attard, directrice des affaires culturelles, Laetitia Cuisinier, chargée de programmation à la ville d’Issy-les-Moulineaux, Monsieur Jean-Marc Thommen, directeur des Arcades, l’école d’art de la ville d’Issy-les-Moulineaux, Denis Butaye, directeur du musée de la carte à jouer, Gwenael Beuchet, chargé de conservation au musée de la carte à jouer, Philippe Colomb, directeur adjoint de la médiathèque d’Issy-les-Moulineaux, Virgile Legrand, éditeur, Frédéric Harranger, en charge des fonds de livres d’artistes à la médiathèque d’Issy-les-Moulineaux et Christophe Comentale, Conservateur en chef honoraire et Directeur scientifique au Musée de l’Homme – MNHN, collaborateur à la revue Art & métiers du livre, s’est réuni afin de procéder à la sélection de l’œuvre retenue.

Sept livres sont parvenus à la médiathèque :

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A propos du colloque international, « Images et représentations du Pérou en France – 1821-2021 » Musée d’Aquitaine, Bordeaux

par Alain Cardenas-Castro

Le Bicentenaire de l’indépendance du Pérou, 28 juillet 1821, voit la tenue d’un colloque international au Musée d’Aquitaine à Bordeaux. Compte-rendu des vingt-deux interventions.

A l’initiative de Madame Isabelle Tauzin-Castellanos[1], professeur de l’Université Bordeaux Montaigne et membre honoraire de l’Institut Universitaire de France, le colloque international, Images et représentations du Pérou en France – 1821-2021 a eu lieu au Musée d’Aquitaine, à Bordeaux. Le colloque s’est déroulé au cours de deux journées, le vendredi 12 et le samedi 13 novembre 2021, au cours desquelles les thématiques abordées — faisant écho aux célébrations du Bicentenaire de l’indépendance du Pérou déclarée le 28 juillet 1821 — ont exploré les deux siècles d’histoire politique et sociale, culturelle et artistique à partir d’images populaires, de peintures, de photographies, de films, de lettres, de multiples témoignages recueillis à partir des premières décennies de l’Indépendance du Pérou.

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De PArC 2022 à Younique

par Alain Cardenas-Castro

Quarante-cinq galeries au neuvième PArC. Une seule galerie française orientée Pérou et échanges Est-Ouest donne le ton d’une meilleure visibilité sur la création contemporaine qui rassemble tendances hispanisantes et pluriethniques.

La neuvième édition de PArC, Peru Arte Contemporáneo, a eu lieu du 20 au 24 avril 2022. Intégrée à l’univers Pinta — nom donné à cette plateforme englobant Pinta Miami et Baphoto pour regrouper ses événements afin de renforcer son objectif d’expansion de l’art latino-américain depuis plus de 15 ans —, Pinta PArC sera bientôt rejoint par Pinta Sud au Paraguay et Pinta Basel en Suisse. La foire d’art internationale la plus remarquable du Pérou s’est caractérisée par un programme expérimental ambitieux. Pinta PArC qui se positionne parmi les plateformes d’échange culturel les plus pertinentes du moment s’est tenue durant une semaine à la Casa Prado au cœur du quartier de Miraflores à Lima.

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