par Alain Cardenas-Castro et Christophe Comentale
Art et négoce, les alternances des images, celles que l’on crée, celles que l’on voit, que l’on revoit et que l’on identifie, entre imaginaire et histoire de la culture. Portrait d’une créatrice et marchande d’art découvreuse de talents et de pièces patrimoniales, de Picasso à Zhang Hua.
Ci-dessus. Sylvie Vervaet, photographies récentes (Sylvie Vervaet dans son loft-galerie ; le stand au Salon international du livre rare et des arts graphiques du Grand Palais éphémère, session 2022 ; Sylvie Vervaet présentant un panneau du 16e siècle, Saint Joseph et l’enfant Jésus).
Les années 1970 sont celles d’un apprentissage et d’une formation très complémentaires avec la fréquentation des ateliers de gravure de Lagrange et Dorny aux Beaux-arts de Paris, puis un cursus à Paris 1 sur le site Saint Charles et et à l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs dans les ateliers peinture de Zao Wou-ki et gravure de Fiorini et Heudes. Sylvie Vervaet s’intéresse à la création autant qu’à la théorie des arts. Sa création se double d’un plaisir de la découverte, celle des œuvres, des images, celle des gens aussi. Sans oublier le plaisir qu’elle a à découvrir des lieux, traversés au fil de ses nombreux voyages en différents pays d’Europe mais aussi en Amérique du Sud et du Nord. (Argentine, Brésil, Mexique, New York) Afrique du nord, (Tunisie, Maroc) et Grèce, Turquie, … Elle enchaîne aussi les métiers, travaille un temps comme iconographe pour une encyclopédie, devient enseignante en arts plastiques et quittant rapidement ce métier, s’initie à la vente d’œuvres d’art, principalement des œuvres graphiques et picturales, de sculptures aussi, devenant marchande d’art. Elle achète alors de la peinture des dessins et des gravures, des œuvres de tous siècles mais ce sont surtout les grands mouvements de l’histoire de l’art qui la passionnent, les surréalistes, les abstraits, les singuliers et bien d’autres…. Son œil de peintre allié à sa connaissance de l’histoire de l’art et des techniques diverses acquises par sa pratique lui permettent d’acquérir avec assurance les œuvres qui viennent, comme naturellement à elles, croisées sur son chemin…
Paris, 1980, les abîmes du négoce
Cette proximité aux œuvres, elle ne s’est pas troublée, elle n’a pas cessé, elle ne s’est pas démentie. « Il y a cette adrénaline de la découverte, une découverte que le regard permet de cerner, de conforter, ou, au contraire, d’éliminer de façon rédhibitoire » confie la marchande d’art tout en compulsant ses fiches et archives diverses.
« J’avais, continue-t-elle, toujours trouvé que le regard d’un créateur, en l’occurrence mon regard de peintre, était beaucoup plus pertinent et efficace face à une œuvre connue, peu identifiée ou complètement ignorée. J’ai beaucoup étudié les techniques de réalisation des œuvres, tant les matériaux qui permettent de réaliser des uniques, acrylique, huile, techniques mixtes, ou bien les œuvres multiples. Ces multiples, il faut un œil qui distingue avec facilité, avec naturel, s’il s’agit d’une taille directe, pointe sèche ou burin, en creux ou en relief ou encore si la sérigraphie ou la lithographie sont rehaussées. De ce constat technique dérive très naturellement un diagnostic d’identification, de rang presque, dans ce processus qui amène à déterminer le nom du créateur qui est derrière tout cela ».
Par ailleurs, et avant même de conclure sur un nom, il faut aussi rappeler l’importance des rencontres humaines comme le rappelle cette anecdote. » Je trouvai un jour sur un marché d’art un tableau signé Beloff. La force de l’œuvre m’avait comme magnétisée. Il me fallut alors trouver de qui il s’agissait, ce que je fis « . Il s’agissait d’une femme-peintre, Angelina Beloff (1879, Saint Petersbourg – 1969, Mexico), la femme de l’artiste mexicain, muraliste, Diego Rivera (1886, Guanajuato – 1957, San Angel). Angelina Beloff [Ангелина Петровна Белова] était une peintre de paysage, elle n’appartenant nullement au courant cubiste, contrairement à son époux, qui œuvre à des œuvres vraiment cubistes de 1910 à 1920. Or, ce jour, Sylvie Vervaet est face à des œuvres des deux époux. Enthousiaste, elle prend en charge le commissariat d’expositions qui sont un axe autre et tout à fait complémentaire pour diffuser des connaissances, en l’occurrence, une approche du travail des artistes.
Le travail d’une passeuse d’art
Lorsqu’on pénètre dans l’immense atelier-scriptorium où Sylvie Vervaet conserve une imposante documentation et des œuvres très diversifiées, on est accueilli par un splendide portait de Saint Joseph et de l’enfant Jésus.
il s’agirait — explique notre guide — d’un autoportrait de Léonard de Vinci, comme le représenta Raphaël, par admiration pour le maître. Cette œuvre du 16e siècle, est comme fréquemment à l’époque, dépourvu de signature. Le lien fort qui unit l’homme au jeune enfant est plein d’une tendresse toute paternelle.
Exemple emblématique de l’approche large et érudite qui permet au fil des années à cette marchande d’art érudite de ne pas mener une carrière qui va privilégier surtout les œuvres modernes et contemporaines. Ainsi, depuis les années 90, outre une présence aux grands salons internationaux tournés vers l’art actuel, elle multiplie une présence professionnelle en prenant un stand au marché de Saint-Ouen, continue avec brio à dresser son stand sur celui de Vanves deux matinées chaque week-end, un lieu où les amateurs et collectionneurs se succèdent pour en savoir plus sur les œuvres en parallèle à du conseil en matière d’art, pour les œuvres patrimoniales, certaines toiles ou panneaux datant des 16e, 17e s., mais ce sont surtout les 20e et 21e siècles qui ont sa faveur, « en raison de la diversité ouverte de ses mouvements artistiques » dit-elle. Un créneau qui rassemble surtout des pièces à son goût : l’art brut, les œuvres de Gaston Chaissac ou de Jean Dubuffet, l’art singulier avec les œuvres d’Yvon Taillandier, Michel Macréau (1935-1995). De même, le courant surréaliste et ses émanations, de Chirico, puis Erró, Michaux. Sans oublier l’Ecole de Paris, dont la classification large et la distinction entre la première et la deuxième école ont produit une majorité d’œuvres figuratives. Telles sont les directions suivies et pour lesquelles une documentation importante complète les diagnostics in situ.
Ci-dessus, de gauche à droite. Arthur Aesbacher [1923-2020], Patte court vêtue (1961), collage, 26 x 19 cm ; Monique Rozanes [1936, Bordeaux], Sans titre (2020), plexiglas, H. 27 cm, diam. 21,5 cm
Lorsque j’accueille mes visiteurs, des clients de longue date pour certains, à mon stand, j’ai toujours le même plaisir, celui des échanges, du dialogue. Ce n’est qu’une partie visible de ce qui constitue cet iceberg dont une importante face cachée est la recherche d’œuvres, les visites d’ateliers où des fonds s’empoussièrent, de maisons de particuliers voulant vendre des œuvres jugées hors de leurs préoccupations, tout comme autant les livraisons d’œuvres importantes aux collectionneurs dans le doute s’accompagnent de conseils divers. Cette approche à des créateurs du monde entier permet à la marchande d’art également créatrice que je suis, de garder cette envie, ce désir de voir de nouvelles images, des images toutes traversées par des talents multiples et aussi de les faire partager à mes collectionneurs, devenus, pour certains, des amis désireux d’échanges et de surprises inattendues face aux œuvres. Et enfin, il reste un désir très fort, celui de la découverte toujours renouvelée et des émotions esthétiques face à des œuvres que j’appelle mes pépites… Je suis en quelque sorte une chercheuse d’art ! Zhang Hua (ca 1898-1970) en est une illustration importante ; je possède un fonds de quelque 600 pièces de cet artiste dont j’ai pu faire apprécier le talent à différents collectionneurs. Je réfléchis actuellement à un projet d’exposition en France et surtout en Chine, mère patrie de cet exilé au trait impulsif et soutenu,
complète Sylvie Vervaet. Les découvertes ne cessent de se multiplier au fil du temps et de sa réputation qui suscite des contacts, des visites, souvent suivi de moissons inattendues : une toile du 16e siècle, un Tiepolo ou un Morandi aux tons oscillant entre des ocres et des tons céladons surprenants et superbes, des gravures par de Kooning et cet étonnant artiste chinois, Zhang Hua, à la polychromie intense et parcourues d’une gestuelle calligraphiques. Ce sont là autant de moyens de montrer cette diversité active de l’art moderne et contemporain et les correspondances secrètes qui sous-tend la vie de toutes ces oeuvres et le plaisir magique que cette découvreuse d’images possède à les révéler.
Cet artiste — explique Sylvie Vervaet —, je l’ai connu par hasard, alors que j’avais rendez-vous chez un encadreur déjà occupé à faire des projets de cadre pour un client possédant un fonds limité d’œuvres sur papier de Zhang Hua. Le dialogue s’est établi, j’ai pu avoir accès à un fonds dont je possède quelque 600 pièces. J’ai pu faire apprécier ce talentueux peintre à différents collectionneurs, je réfléchis actuellement à un projet d’exposition en France et surtout en Chine, mère patrie de cet exilé au trait impulsif et soutenu. Cette approche à des créateurs du monde entier permet à la marchande d’art également créatrice que je suis, de garder cette envie, ce désir de voir de nouvelles images, des images toutes traversées par des talents multiples et aussi de les faire partager à mes collectionneurs, devenus, pour certains, des amis désireux d’échanges et de surprises inattendues face aux œuvres. Et enfin, il reste un désir très fort, celui de la découverte et des émotions esthétiques face à une œuvre.
Repères bibliographiques
- Site de Sylvie Vervaet : www.artvie-galerie.com
- Sylvie Vervaet, Van Dongen, Neuf dessins et un étui à pinceaux. Paris : Artvie-galerie, 2022. 13 p. : ill. en coul.
- Christophe Comentale, Cent ans d’art en Chine, 1920-2020. Paris : Ed. du Canoë, 2023. 544 p. : 607 ill. Bibliog. Index.
西尔维·韦尔瓦特(SYLVIE VERVAET),当图像的持久性导致收藏时。
艺术品经销商的旅程。
艺术与贸易,图像的交替,我们创造的,我们看到的,回顾和识别的,在想象和文化历史之间。一位发现从毕加索到张华的才华和遗产作品的创作者和艺术品经销商的肖像。
在70年代的大学学习之后,巴黎美术学院在菲奥里尼和多尼的平面艺术工作室,巴黎第一圣查尔斯和国立高等装饰艺术学院,Sylvie Vervaet对创作和艺术理论一样感兴趣。他的创作伴随着发现的乐趣,作品,图像,人。.他的创作伴随着发现的乐趣,作品,图像,人。更不用说她发现地方的乐趣,穿越了不同国家的旅行,巴西,北美。她还在酒吧工作了一段时间,成为一名视觉艺术老师,并对作品的销售产生了兴趣,成为古董商和二手商。然后她购买绘画,各个世纪的作品,但让她着迷的是抽象作品,她的画家的眼睛让她获得了一种感觉,这也是创作者热爱雕刻、绘画或写作的感觉。