par Christophe Comentale
Les découvertes d’œuvres réalisées par les peintres actifs durant la première moitié du 20e siècle ne cessent de se multiplier au fil des disparitions qui génèrent des successions parfois importantes et se terminent, pour beaucoup, par des mises à disposition d’œuvres sur le marché de l’art, les familles étant le plus souvent démunies face à la présence forte et complexe des œuvres. Ainsi en va-t-il de cette étude réalisée pour une composition de dimensions plus importantes.

Comme pour beaucoup de créateurs peu acquis par les institutions et absents des collections, banques et bases de données nationales, les données biographiques concernant ces créateurs sont, la plupart du temps, toujours succinctes tant que les fonds d’archives ne sont pas connus ou dépouillés.
Cette découverte d’une étude au petit carreau signée et datée a permis quelques recherches sur les bases relatives aux ventes d’œuvres. Une soixantaine de pièces réalisées par Charles Blanc, des lavis ou des huiles sur toile, ont été présentées en salles des ventes. Les aquarelles sont traitées d’une touche légère et calligraphique tandis que l’utilisation de la peinture à l’huile donne des matières beaucoup plus épaisses et une polychromie soutenue.
LA PLACE DE L’ANTIQUITE DANS LA PEINTURE FRANÇAISE
Le sujet, vaste, permet toutes les interprétations possibles, de l’érudition la plus fine à des interprétations donnant à ce concept des prolongements divers, romantique, érotique, historique, narratif, … et permettant de varier le choix des zones géographiques et les périodes traitées.
L’intérêt des chercheurs et collectionneurs a permis des publications et études comme celle due à Mireille Lacave-Allemand et Michel Lacave dont le résumé, repris ci-dessous, est éclairant : « La réception et la transposition de sujets tirés de l’Antiquité païenne sont analysées à travers une étude quantitative des peintures exposées au Salon de Paris, fondée sur un corpus de 5000 personnages construit en utilisant la base de données du Musée d’Orsay. Elle est accompagnée d’un travail comparatif sur les sujets proposés et retenus pour le Grand Prix de Rome. Les moyennes par Salon des peintures à thèmes antiques révèlent trois phases : croissance jusqu’aux années 1820 (mais déclin relatif), très bas niveau sous la Monarchie de Juillet, forte reprise sous le Second Empire. La seconde phase peut s’expliquer par l’entreprise du Musée de l’Histoire de France à Versailles, voulue par Louis-Philippe, qui a privilégié la peinture d’histoire (de France) et a fait sentir ses conséquences sur le marché. Les personnages représentés viennent d’abord d’Ovide, puis de Virgile, et loin derrière d’Homère et Plutarque. La part d’Ovide (et d’Apulée et Longus) s’accroît sous le Second Empire. Les scènes ‘nobles’ dominent le Prix de Rome, inspirées par Homère et Plutarque ».
Pour les 19e et le 20e siècles, le charme de l’Antiquité, — une Antiquité dont les définitions larges peuvent aussi inclure l’Orientalisme, autre source receleuse d’atmosphères, de héros et de divinités diverses — continue d’opérer, permettant à des artistes, peintres, sculpteurs, graveurs, …comme Gustave Moreau (Paris, 1826-1898), Jean-Antoine Injalbert (Béziers, 1845 – Paris, 1933) René Ménard (Paris, 1862-1930), Antoine Calbet (Engayrac, Lot-et-Garonne), 1860 – Paris, 1942), voire les frères Dufy, Raoul (Le Havre, 1877 – Forcalquier, 1953) et Jean (Le Havre, 1888 – Boussay, 1964), Christian Bérard (Paris, 1902-1949),… de produire d’importantes compositions parfois acquises par l’Etat. Par ailleurs, les auteurs antiques sont réédités, source d’interprétations diverses chez les artistes et pour des auteurs des générations successives, tous intéressés par une Antiquité gréco-romaine sont nombreux, tels Jean Lorrain, Henri de Régnier, Pierre Louÿs, et, après eux, des auteurs comme Jean Cocteau, Jean Giraudoux, …

DE LA POLYCHROMIE DES ANNEES 50
Pour ces différents exemples cités, on constate une importante liberté d’action au niveau des supports utilisés, et la période étant, paradoxalement, favorable pour d’imposantes commandes, les études préparatoires, esquisses, ne cessent de venir enrichir la connaissance d’artistes aussi discrets que le demeure encore Charles Blanc. Cette Scène de chasse antiquisante (ill.1) est une mise en scène où des chasseurs munis d’arcs et devenus des personnages en costumes bucoliques font le point sur les prises du jour. L’aquarelle se prête fort bien au tracé calligraphique, qui sait être léger ou fortement présent, de cette œuvre préparatoire de Charles Blanc, un tracé qui renvoie à ceux de Raoul Dufy (ill.2) ou de Roger Bertin (Paris, 1915-2003) (ill.3) : les zones d’espace ou de plein, paradoxales, viennent camper un monde qui bascule assez vite dans le rêve, le charme d’une polychromie très variable mais quasi magique.

Bibliographie succincte
- AFPMA [Association française pour la peinture murale antique]. Les décors antiques. Version en ligne : Les décors antiques | AFPMA-Association francaise pour la peinture murale antique (peinture-murale-antique.fr)
- A. Chastel, Le paradis des peintres en 1874, in : Le Monde, 6 juin 1974, rééd. in : L’Image dans le miroir, Paris 1980, pp. 177-178.
- Christophe Comentale, Roger Bertin, un conteur d’histoires par l’image, in : Art et métiers du livre, 2004 (240, 32-39) : ill.
- Clarisse Faurie, Antoine Calbet (1860-1942), vie et œuvre, 2 vol., mémoire de maîtrise, université de Toulouse le Mirail, 2004, 192 p., 100 pl.
- Jean-David Jumeau-Lafond, Les peintres de l’âme : le symbolisme idéaliste en France, [catalogue de l’exposition du musée d’Ixelles], Bruxelles, Snoeck-Ducaju & Zoon, 1999.
- Marie-Cécile Forest et Daniel Marchesseau (dir.), Gustave Moreau – Mythes et chimères : aquarelles et dessins secrets du musée Gustave-Moreau, [catalogue d’exposition], Paris, musée de la Vie romantique, 2003.
- Geneviève Lacambre, Gustave Moreau : illustrateur d’Homère, in : Gaia : revue interdisciplinaire sur la Grèce Archaïque, 2003, 7, pp. 549-560. Il existe une version en ligne
- Mireille Lacave-Allemand et Michel Lacave, L’Antiquité dans la peinture en France, 1791-1880 : une analyse quantitative à travers les Salons et les Prix de Rome. Anabases, traditions et réceptions de l’Antiquité, Varia, 29 ; 2019. Version en ligne : L’Antiquité dans la peinture en France, 1791-1880 : une analyse quantitative à travers les Salons et les Prix de Rome (openedition.org)
- M. Lutz, La Grèce dans l’imaginaire de Gustave Moreau. Terre des Muses et des Poètes. Thèse École des Chartes, 2010 .
- Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris 1950 : Christian Bérard.
- P. Sanchez et X. Seydoux, Les catalogues des Salons, Paris. 1999 et 2006 (pour les les tomes I-XII).