par Christophe Comentale
L’exposition qui a lieu à la galerie [cogestion municipale-privée] de la rue des rosiers à Saint Ouen en septembre 2022 regroupe les œuvres de deux plasticiens, Thierry Pertuisot et Guy Girard. Si le premier « offre des visions tantôt kaléidoscopiques tantôt cloisonnées d’un univers foisonnant : minéral, végétal, aquatique », c’est du deuxième qu’il sera question ici et de sa vision particulière d’une Chine repoussante et magnétique.
« Ce n’est pas aux beaux-arts que l’on apprend à peindre, c’est lorsqu’on en sort que les choses changent ». Guy Girard, Propos de pas de porte, inédit.
Propos biographiques
Cultivé, autant attiré par l’écrit ou le visuel, ce dessinateur, peintre, graveur (la pointe sèche pratiquée aux Beaux-arts durant les années 80) est aussi un homme de lettres dont les œuvres renouvellent le plaisir entre prose et poésie. Guy Girard (1959, Flamanville – Manche) conjugue ainsi avec talent ces différentes approches d’une création libre et ouverte. Après des études aux Beaux-Arts de Caen, il découvre en 1977, le surréalisme et participe à compter de 1990, avec Aurélien Dauguet, Jean-Pierre Guillon, Michaël Löwy, Marie-Dominique Massoni, Vincent Bounoure, Michel Zimbacca, Gabriel Derkevorkian ou Jean Terrossian, aux activités du Groupe de Paris du mouvement surréaliste, qui a notamment fait paraître la revue SURR (cinq numéros entre 1996 et 2005). Il fonctionne, comme tout chercheur, par périodes, par signes. Ainsi durant les années 90, ses anagraphomorphes permettent, à partir d’une signature qui a retenu son attention, sollicité un intérêt prolongé, de composer un sujet qui lui semble en (dé)couler de source. Il se qualifie volontiers de peintre narratif. Ainsi, aime-t-il à dire, «je suis né un 1er janvier et, comme le gui dans les arbres, porté très naturellement vers des histoires autres », le symbole se mêlant pour des contenus le plus souvent propitiatoires.
Avec un tel imaginaire, rien d’étonnant à ce que, comme les lettrés chinois, séculairement hommes de lettres, Guy Girard ait éprouvé le besoin d’éditer ses plaquettes qui retracent, rassemblent, outre ses rêves, des voyages, des Poèmes de voyage, une édition illustrée chez Ab irato. « Je préfère l’ailleurs aux haillons de la distance » dit-il aussi, adepte d’un oulipo personnel. Il a publié une quinzaine de plaquettes et livres de poésie, dont L’Oreiller du souffleur (2008) et Les coulisses du plomb (2015). Il a participé à de nombreuses revues surréalistes ou libertaires, telles : la Crécelle Noire, Camouflage, le Château-Lyre, Analogon, SURR, Stora Saltet, Oiseau-Tempête, Un Autre Futur… Guy Girard a également publié L’Ombre et la demande, projections surréalistes, en 2005, et Insoumission poétique, Tracts, affiches et déclarations du groupe de Paris du mouvement surréaliste, 1970-2010, en 2011. Il a participé à l’ouvrage collectif un Paris révolutionnaire, émeutes, subversions, colères, aux éditions de l’Esprit frappeur en 2001 et a traduit avec Alfredo Fernandes, Un Couteau entre les dents, du poète surréaliste portugais Antonio José Forte, pour les éditions Ab irato, en 2007. « Guy Girard est de ceux, trop rares à mon sens, qui vivent encore au sein de la comète surréaliste dont la queue se prolonge étincelante en ce début du XXIème siècle », a écrit Jean-Pierre Lassalle.
De la peinture
A cette verve narrative s’ajoute une influence très enveloppante de CoBrA qui rappelle ce besoin d’une polychromie forte. « Mais, c’est surtout Gauguin qui m’a influencé. Comme lui, je fais des dessins préparatoires sur carnet puis procède à leur reprise sur toile ». Son œuvre est passée par plusieurs périodes : « Blanche », « Noire », « Naïf-paysan », « Abstraite » et encore une période « Peintre d’histoire » où se mêlent des personnages mythologiques, historiques ou littéraires.
Sa curiosité le pousse à l’étude du chinois et de la Chine où il aime se rendre et qu’il repeuple à sa façon au fil des onze histoires présentées aux cimaises de la galerie de la rue des rosiers à Saint-Ouen en septembre 2022.
Le dragon préside, domine dans la plupart des œuvres exposées : que l’on soit face au Phénix réfractaire (61 x 50 cm), à la Rencontre d’Arthur Rimbaud avec Laozi (81 x 100 cm) (ill.1) ou encore de Jean-Jacques Rousseau herborisant au lac Dongding (73 x 92 cm) (ill.2)
Les formats varient de 61 x 50 à 81 x 100 cm. Y triomphe le plaisir de mêler réel et fantasmagorie ou fantastique. Passé le premier instant de stupeur ou d’émerveillement, les paysages, car il s’agit toujours de paysage, livrent des personnages et des animaux parmi des végétaux et des éléments d’architecture qui essaient de boucler une boucle sur cet environnement né assez naturellement du Livre des Monts et des Mers.
Le dragon préside, domine dans la plupart des œuvres exposées : que l’on soit face au Phénix réfractaire (61 x 50 cm), à la Rencontre d’AR avec Laozi (81 x 100 cm) ou encore de Jean-Jacques Rousseau herborisant au lac Dongding (73 x 92 cm).
On trouve quelque trace d’une mythologie qui semblerait convenue : vêtement et costume des dynasties passées, accessoires de théâtre populaire ou chanté, personnages partiellement humains et dotés d’appendices incongrus, végétaux à leur tour agrémentés de membres divers, et, surtout, animaux fantastiques ou réels, propitiatoires : dragon, phénix, poisson. Il n’en est rien, ils emportent tous dans leur sillage déraisonnable, …
Les associations chromatiques sont réellement proches de celles de Gauguin dans sa période insulaire, mais avec une chaleur, une approche plus amusée, comme afin de sonder des mystères improbables.
Face à l’actuelle crise de l’imaginaire, il est nécessaire, pour Guy Girard, d’opposer un imaginaire autre, porteur du désir de révolution, qui interprète par-delà la nécessaire conscience de tout ce qui nous afflige, chacun des moments où, dans la vie immédiate, le principe de plaisir s’émancipe et délivre sa puissance. Cette puissance, pour Guy Girard, est celle de la poésie, langage par lequel s’impulse la libération de toutes les routines et conventions du sensible et de l’intelligible. La libération d’un esprit non asservi à l’utilitarisme de la raison instrumentale et de son imbécile propagandiste qu’est la « pensée unique ».
Bibliographie et sites
L’œuvre écrit
- Lapins de Merlin (éditions Camouflage, 1986)
- Les Neiges carillonnantes (éditions Camouflage, 1988)
- La Diagonale du Père Lachaise, en collaboration avec Marie-Dominique Massoni (Le chemin de la cave, 1995)
- L’Ombre et la demande, projections surréalistes (Atelier de création libertaire, 2005)
- Sybille infuse (HC, 2005)
- Le Palier des gargouilles, avec Sabine Levallois et Alice Massénat (éditions surréalistes, 2005)
- L’Oreiller du souffleur (éditions surréalistes, 2008)
- Insoumission poétique, Tracts, affiches et déclarations du groupe de Paris du mouvement surréaliste, 1970-2010 (Le Temps des Cerises, 2011)
- Éléments pour une esthétique onirique (HC, 2013)
- André Breton en Chine (HC, 2013)
- Maillot d’hécatombes pour Jeanne d’Arcula (Somnambula, 2013)
- Théorie des Quatre mouvements de la Mesnie Hellequin (HC, 2014)
- Chapeau volatil du père La Violette (HC, 2014)
- Poèmes en escalier, collectif, (Groupe surréaliste, 2014)
- Le Dragon du bon vouloir (HC, 2015)
- Les pucerons de la frontière, collectif (Groupe surréaliste, 2015)
- Les coulisses du plomb (Le Grand Tamanoir, 2015)
- Le piano grand ouvert du gibier (HC, 2015)
- Le Poème du Tucheng (HC, 2016)
- La geste de Dracula en Cotentin (HC, 2017)
L’œuvre graphique et peint
- https://galeriedesormes.com/girard-guy-artiste-peintre-poete-biographie
- http://www.musee-creationfranche.com/ 58, avenue du Maréchal de Lattre-de-Tassigny 33130 Bègles. Tél. 05 56 85 81 73. Musée de la Création Franche,