Sébastien Pignon : Kino distinguo

Librairie-galerie Ofr, 6, rue des filles du calvaire, Paris 75003. Du 27 novembre au 15 décembre 2025, Inauguration le 27 novembre de 15 à 20 h.

COMPTE-RENDU D’INAUGURATION

par Christophe Comentale

Sublimer la jaquette et le boîtier

Après une somptueuse exposition automnale, premier volet et présentation d’une collection de jaquettes livres et œuvres peintes originales parmi ses vases céramiques, Sébastien Pignon (1972, Paris) récidive dans cette librairie éclectique et toujours aussi décomplexée avec un deuxième volet de quelque 250 œuvres récentes rassemblées dans une même sensibilité, avec un souci esthétique commun, en privilégiant des thèmes et des supports qui lui sont chers face à une vision acide et dense de l’univers.

Ses goûts le portent vers les images conçues selon des séquences, des séries convergentes. Ainsi, le kinophile se réapproprie une collection de jaquettes CD, une sélection de titres des plus emblématiques, tous reflètent sa liberté de vue sur la société. Chacune de cette quarantaine de pièces est rehaussée, partiellement calligraphiée pour Kino dsitinguo. Une série entre art brut et palimpsestes contemporains : Lacombe Lucien, L’éclipse, L’évangile selon Saint Matthieu, Pierrot le Fou, Le mépris, Gorki Park, Le Casanova Federico Fellini, Mort à Venise, …

Aligner ou combiner les carreaux

A sa production de céramiste, en parallèle aux plats et contenants monochromes qui jouent entre simplicité et forme essentielle, pour traduire le plaisir premier de cet art, Sébastien Pignon vient d’achever ce pavement interloquant et unique de quelque 200 carreaux céramiques travaillés dans une perspective dramatique. Le contraste entre les noirs du tracé des personnages et l’or du feu rend plus déconcertant encore cet ensemble qui ont des accents dignes de ces notations fugitives de de Chirico ! Deux mètres carrés de surface pour ces carreaux de 10 centimètres de côté. Un plaisir que ce thème renouvelé et rendu à la vie des filles du Calvaire. Il renvoie aux sœurs bénédictines de Notre-Dame du Calvaire ou Filles du Calvaire, en fait, un ordre monastique féminin de droit pontifical faisant partie de la congrégation de Subiaco. Leur nom, est-il utile de le rappeler, vient du Calvaire, lieu où Jésus a été crucifié. Plus immédiatement perceptible, la fin de cette congrégation est, somme toute, peu enviable : l’institution est supprimée à la Révolution et, last but not least, la sœur Rosalie Céleste de La Sorinière est guillotinée à Angers le 27 janvier 1794. Toujours sensible aux bruits du monde – même s’ils débouchent sur un au-delà perdu dans le silence éternel, Sébastien Pignon va présenter in situ ce pavement circonstancié à l’égal d’une table centrale ornée de ces enluminures de terre que sont ces silhouettes devenues celles de femmes artistes, saltinbanques. Jolie renaissance ! Quant à la table ainsi constituée, va-t-elle partir carreau par carreau ou en un métrage plus important pour aller étoffer et rejoindre les fonds de collections invisibles ?

Admirer des théâtres séquentiels

Sébastien Pignon est un metteur en espace, en épisodes, un adepte d’une mise en scène qui donne toute leur ampleur aux œuvres qui composent ces pièces composites : à rideaux ouverts, des personnages silhouettés peints sur un support carton de 59 sur 41 cm contemplent des scènes de petits formats peints à l’huile sur toile aux formats de 15 cm sur 15 ou 15 sur 20 voire encore 11 sur 22 cm. Aux ondulations peintes et ponctuées de motifs récurrents du carton répondent la tenue et la texture idéale de la toile – dureté / morbidezza. Le rapport dichotomique des scènes renvoie à l’intensité déployée ou à une énigmatique présence à travers les épisodes qui disent les talents de ce narrateur inégalement disert – il sait osciller entre le mutisme de certaines scènes ou leur déchaînement baroque, excitant alors la curiosité des amateurs de sensations fortes et d’une peinture qui provoque sens.

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