LUO QUANMU, COMPTE-RENDU / PORTRAIT CONJONCTUREL [version chinois-français]  罗荃木,在ICLI文化空间的展览报告和画家的肖像。

par Christophe Comentale (柯孟德)

(ill. 1) Luo Quanmu dans l’espace culturel ICICLE, juin 2025

 罗荃与现实的面对

 罗荃木(1965年,南通)在上海和南京生活和工作。罗荃木(插图)的人文和美学视角反映了近一个世纪以来中国历史的变迁,以及随着国内政治和社会动荡及其国际影响而震动国家的众多事件。作为画家和设计师,罗荃木是当代中国绘画中最迷人的人物之一。他在中国及国际上已备受关注,在法国由文化空间ICICLE及其充满活力的女策展人、汉学家和作家柯梅燕 (原名Myriam Kryger)介绍。柯梅燕很好地突出了他的创作之路的独特性:“在他开始接触艺术家工作室之前,他经历了工厂的生活。他十五岁辍学,成为一家纺织厂的工人。五年来,他沉浸在枯燥而异化的重复劳动现实中,经历着三班倒令人生疲惫的节奏。然而,他依然对这些工业空间的广度以及身体和机器如何融入其中感到着迷。对于创作领域来说,这反映了一个自学成才的、热爱绘画和素描的人的境况,这些学科自他孩提时代起便以探索的热情所带来的自发性持续影响着他。这种心态赋予了他实现理想和梦想的力量,那就是成为一名艺术家。在他看来,这一方向是改变自己命运轨迹并获得自由的唯一途径。在他工作的同时,他也在为另一种未来做准备。1986年通过大学入学考试标志着他从工人生活转入学生生活的转变。面对艺术的诸多困扰,他经历了一段巨大的痛苦,最终找到了自己的道路。

关于绘画技巧

 罗荃木喜欢油画。对于许多亚洲艺术家来说,油画技法仍然被视为一种外来的、异域的艺术方式。1965年是一个充满波折的年份,标志着无产阶级文化大革命的开始。一场在城市和乡村产生不同影响的内战。墨水是可用的,它仍然在日常生活中使用,至少用于书写大字报,这些巨大的纸张是现实与政治之间的接触点。要等到80年代,这个青少年才能更多地正式表达自己在这方面的愿望和渴望。他和他这一代的许多人一样,必须面对政权的严酷及其紧迫性,因此在一个艰难和敌意的环境中度过了几年。

在这一时期,艺术家从一些有时候极其平凡的主题中汲取灵感,或者更准确地说,从那些描述力量强烈的作品中,这些作品呈现的工作室和工厂环境极为强烈和深刻。 »从一些平凡的主题出发,这些主题通常围绕着手工劳动和工厂,他创造出了神秘的作品,散发出几乎是神秘的宁静气氛 » 柯梅燕这样观察道。尽管不至于达到这种氛围的升华,然而无处不在的平静因其缺乏起伏和包裹性的单调而令人感到不安。场景画得像叙述一样,艺术家有时更参与现实的某个特定方面,这种态度在不同的作品之间有所变化。

多彩性和多样性 随着时间的推移

主题随着欲望而演变,随着 罗荃木所创造的世界而变化。从2000年代初开始,  罗荃木塑造了他这一代人中最迷人的艺术作品之一,主要采用油画。角色看似静止,即使他们忙碌不堪。他们看似孤独,即便他们在一起。运动变为静止,亲近变为距离。这种侵袭最普通场景的非现实印象,通过色彩调色板和令人瞩目的蓝色或黄色单色画得到了增强。从现实出发, 罗荃木将日常生活转化为一种庄重而宏伟的仪式,藉此更好地解放自己。超越表象,最平常的情况获得了一种精神和永恒的维度,仿佛艺术家捕捉到了生物和地点的秘密灵魂。经过长时间的创作,主题呈现出或多或少完整的叙述,似乎源自于这些众多的笔触,每一个都是互补构建的元素。因此,两个搬运工臂弯着将一张温暖色调的沙发抬起(插图),唤起了一个渴望追求舒适的社会,已有三十年之久,渴望其他的东西,渴望一种宁静的消费——虽然确实有时极端。与此同时,在这个新伊甸园的旁边,世界正在消失,就像这个庞大的工作室,一个纺织厂,一个艺术家用变色的颜色传递出的布料工厂。遗忘的颜色早已在那些被残酷的全球化牺牲的人身上安家,这种全球化同样无情,就像王朝变化的残酷。而这正是要表达的:  罗荃木是一位侦探,他分析、描述,提出他对一个拥有新吸引力和新约束的新社会的看法。这间巨大工作坊内,布料的反光接近17世纪西方的渐变色,自然而然地让人联想到张萱(713年,长安-755年)的画作,描绘了那些打扮的宫廷女性(插图)。这三组忙于准备新织成丝绸的宫廷女性并不代表真实的丝绸生产或普通织工的日常工作。我在 罗荃木的画作中找到与这些描述的呼应,那时这些描绘曾是一个消逝的帝国权力的辉煌反映,现在则转向那些来自名校、学习如何温和地统治人群的家具公司或各种消费品公司的经理们。另一幅作品,远离前面的示例,是一名为“LT”的字母画, 这位活跃于60年代的法国画家的传记尚不清楚。它描绘了贾尔戈内桥(插图),这是一项位于艾恩省,出生地查托提里(Château-Thierry) ; 沙托蒂里是一座距巴黎近100公里的小城镇,附近的艺术工程。这个桥现在已经毁坏,重建时也有所不同,呈现出一种非常过时的城市风景,这些风景在许多公共工程领域日益被混凝土所丑化。这个空荡荡、没有活力的环境引发了特别的悲伤,城市似乎已经遗弃了这些地方……可以看到与罗荃木相同的描述风格。东风、西风,尽管感觉截然不同,但在这些难以捉摸但始终存在的概念——充实和空虚的引导下,自然地汇聚在一起。

正如人们在与作品首次对峙时所预期的, 罗荃木是一位深思熟虑、善于战略和才华横溢的魔术师,他知道如何将思想引导至他的画笔把手,然后在支撑物上进行他的表达方式…

LUO QUANMU, LES FACE A FACE AVEC LE REEL

Luo Quanmu 罗荃木 (1965, Nantong) vit et travaille à Shanghai et Nankin. Son approche humaine et esthétique renvoie aux vicissitudes de l’histoire chinoise depuis près d’un siècle et au fourmillement d’événements qui secouent le pays au fil des secousses politiques et sociales internes et de leurs prolongements à l’international. Peintre et dessinateur, Luo Quanmu est l’une des figures les plus captivantes de la peinture contemporaine chinoise. Déjà à l’honneur en Chine et à l’international, il est présenté en France par l’espace culturel ICICLE et sa dynamique directrice, Myriam Kryger, sinisante et femme de lettres.

Myriam Kryger a bien mis en évidence l’originalité de ce parcours, « avant — dit-elle — de fréquenter les ateliers d’artiste, Luo Quanmu a connu ceux des usines. Il quitte le lycée à quinze ans et devient ouvrier dans une manufacture textile. Cinq années durant, il plonge dans la dure réalité d’un labeur répétitif et aliénant, au rythme épuisant des trois huit. Il reste pourtant fasciné par l’ampleur de ces espaces industriels et la manière dont les corps et les machines s’y inscrivent ». Pour le champ de la création, il reflète la situation de l’autodidacte passionné de peinture et de dessin, des disciplines qu’il pratique depuis l’enfance avec la spontanéité que suscite l’enthousiasme de la découverte. Cet état d’esprit lui donne la force d’un idéal, d’un rêve, celui de devenir artiste. Cette orientation s’avère, à ses yeux, le seul moyen de modifier la trajectoire de son destin et d’être libre. En marge de son travail, il se prépare à un autre avenir. La réussite au concours d’admission à l’Université en 1986 permet ce passage d’une vie d’ouvrier à une vie d’étudiant. En proie à de multiples questionnements sur l’art, il traverse une période de grands tourments avant de trouver sa voie.

DE LA TECHNIQUE

Luo Quanmu aime peindre à l’huile (ill. 2). Comme pour beaucoup d’artistes asiatiques, la technique de la peinture à l’huile reste une approche jugée étrangère, exotique comme approche à l’art. 1965 est une année forte en rebondissements, annonçant la Grande révolution culturelle prolétarienne. Une guerre civile qui secoue les villes, la campagne différemment. L’encre est disponible, elle est encore utilisée au quotidien, ne serait-ce que pour le tracé des tableaux en caractères [dazibao], ces imposantes surface de papier qui sont la prise de contact entre le réel et la politique. Il faut attendre les années 80 pour que l’adolescent puisse davantage formaliser ses desiderata et souhaits les plus intimes en la matière. Cet adolescent, comme beaucoup de sa génération, doit se frotter à la rudesse du régime et de ses urgences, passant ainsi plusieurs années dans un environnement austère et hostile.

De cette période, l’artiste a tiré des sujets parfois terriblement ordinaires, ou plus exactement des œuvres dont la force descriptive rend ces rendus d’ateliers, d’usines, des plus intenses et fortes. « A partir de sujets prosaïques, gravitant souvent autour du travail manuel et en usine, il donne naissance à des œuvres énigmatiques, qui dégagent une atmosphère de quiétude presque mystique » a constaté Myriam Kryger. Sans aller jusqu’à cette vue d’une sublimation d’une atmosphère, il n’en reste pas moins que le calme omniprésent devient inquiétant par son absence de relief, par sa monotonie enveloppante. Les scènes sont peintes à la manière d’une narration dans laquelle l’artiste est parfois plus parti prenant d’un aspect particulier de ce réel, cette attitude variant d’une œuvre à l’autre.

DES POLYCHROMIES ET DE LA DIVERSITE

Les sujets ont évolué avec les envies, avec les mondes que Luo Quanmu s’est forgés au fil du temps. « Depuis le début des années 2000, Luo Quanmu façonne l’une des œuvres picturales les plus fascinantes de sa génération, essentiellement à la peinture à l’huile. Les personnages semblent figés même lorsqu’ils sont affairés. Ils semblent seuls même lorsqu’ils sont ensemble. Le mouvement se fait immobilité, la proximité devient distance. Cette impression d’irréalité qui envahit les scènes les plus ordinaires est renforcée par la palette des couleurs et l’utilisation de spectaculaires monochromes bleus ou jaunes.

Transfigurant le quotidien en rituel d’une beauté grave et majestueuse, Luo Quanmu part du réel pour mieux s’en affranchir. Par-delà les apparences, les situations les plus banales acquièrent une dimension spirituelle et intemporelle, comme si l’artiste saisissait l’âme secrète des êtres et des lieux. Longuement travaillés, les sujets présentent des narrations plus ou moins totales, semblant nées de ces nombreux coups de pinceaux dont chacun s’avère un élément de construction complémentaire. Ainsi, deux déménageurs portent à bout de bras ce canapé d’un ton chaud, rappel au confort recherché depuis bien trois décennies par une société désireuse d’autre chose, d’une consommation paisible – parfois extrême, il est vrai – tandis qu’en parallèle à ce nouvel Eden, des mondes disparaissent, tel ce vaste atelier, une filature, une fabrique de tissus que l’artiste a traduits en couleurs moirées. Les couleurs de l’oubli qui s’est déjà installés sur des sacrifiés à la mondialisation cruelle et aussi impitoyable que peuvent l’être les changements dynastiques. Et c’est bien de cela qu’il s’agit : Luo est un détective qui analyse, décrit, propose sa vision d’une nouvelle société avec ses nouveaux attraits, avec ses nouvelles contraintes. Cet atelier immense aux tissus à reflets proches des camaïeux du 17e siècle occidental, il renvoie assez naturellement aux peintures de Zhang Xuan (713, Chang’an-755) qui décrivent ces dames de Cour apprêtant la soie (ill. 3). Ces trois groupes de dames de la cour occupées à préparer de la soie fraîchement tissée ne doivent pas faire illusion, elles sont aux antipodes de la véritable production de la soie ou du travail quotidien des tisserands ordinaires. Je trouve dans les peintures de Luo Quanmu un écho à ces descriptions qui, alors, se voulaient le reflet d’un pouvoir impérial triomphant, désormais disparu, au profit des directeurs de sociétés d’ameublement ou de biens de consommation divers diplômés de grandes écoles qui apprennent comment dominer en douceur les masses humaines. Une autre œuvre, bien éloignée de ce précédent exemple est une aquarelle monogrammée « LT ». Elle représente Le pont de Jaulgonne (ill. 4), un ouvrage d’art mis en place dans l’Aisne, dans les environs de la ville natale de la Fontaine, Château-Thierry.  Ce pont, aujourd’hui détruit et reconstruit différemment reprend une vision très surannée de ces vues urbaines progressivement enlaidies par l’utilisation du béton dans nombre de domaines liés aux travaux publics. Une tristesse particulière est suscitée par cet environnement vide et sans dynamique, la ville ayant comme déserté les lieux … On note la même veine descriptive que chez Luo Quanmu. Vent d’est, vent d’ouest, les sensations si différentes soient-elles formellement, se rejoignent assez naturellement, guidées par ces notions si insaisissables mais toujours présentes que sont le plein et le vide.

Comme on s’y attendait lors de la première confrontation face aux œuvres, Luo Quanmu est un magicien réfléchi, stratège et talentueux qui sait mener l’idée jusqu’au manche de son pinceau qu’il guide alors sur le support devenu son mode d’expression…

(ill. 2) Luo Quanmu, Le déménagement du canapé
(ill. 3) Luo Quanmu, Les travailleurs (2024), huile sur toile, 250 x 200 cm
(ill. 4) Anonyme,  Le pont de Jaulgonne (ca 1960), aquarelle et gouache, 12,5 x 21 cm, monogramme LT au coin infr gauche

Aimez & partagez :