Traditions du Sud-andin péruvien, littérature, archéologie et art contemporain.
par Alain Cardenas-Castro
Une mission est une suite d’événements programmés sur ou à partir desquelles se greffent des éléments imprévus générés au fil des rencontres. La présentation du livre Qalachanky, A pata pelada de Clemencia Salmón, à Lima et l’invitation à présenter mon travail de peintre, muséographe et chercheur aux étudiants de l’Université Diego Quispe Tito de Cusco ont été les principales raisons de mon voyage au Pérou.
A partir de là, le cours des choses* a enclenché un enchainement de rencontres, parfois surprenantes, qui m’ont permis d’étudier plus avant l’archéologie, l’art populaire et l’art contemporain péruvien (ill. 1).
Rencontrer les artistes péruviens tels Yerko Zlatar, Ricardo Wiesse, Adriana Ciudad, Nancy La Rosa, Alberto Quintanilla, Ramiro Llona, m’a permis de constater la présence de la création contemporaine active et diversifiée au sein de l’offre culturel liménienne en ce début de printemps au Pérou. Musées, galeries, centres d’art, proposent de multiples événements pour divers publics (ill. 2). Un agenda dynamique dont on retrouve quelques bribes dans la magnifique cité de Cusco. Le spectacle vivant n’est pas en reste avec la programmation de plusieurs pièces d’Anton Tchekhov dans les théâtres de Lima et la venue de Paul McCartney qui a rassemblé des foules de générations différentes pour un unique concert dans la capitale péruvienne.


Ci-dessus. *(ill. 1) Peter Fischli et David Weiss. Le cours des choses : dans l’atelier (1985-2006), Vidéo, 68 min. ; (ill. 2) Design canin de Miraflores, 2024
A – LIMA
1 – La présentation du livre de Clemencia Salmón.
Clemencia Salmón a présenté son ouvrage Qalachaki – A Pata Pelada dans deux librairies de la capitale péruvienne. Dans un premier temps, le samedi 28 octobre, à la libraire Placeres compulsivos dans le quartier de Barranco. En tant qu’illustrateur de l’ouvrage, j’ai accompagné l’événement littéraire qui a pris la forme d’une discussion en présence de l’auteure et de la sociologue Ana Robles (ill. 3). Dans un second temps, le mercredi 2 octobre, à la librairie El Virrey de Miraflores. Une présentation officielle avec la psychanaliste Matilde Ureta de Caplansky, préfacière du livre, l’éditrice Gracia Angulo, et la photographe et musicienne Alexia Salmón (ill. 4).


Ci-dessus. Présentations du livre de Clemencia Salmón. (ill. 3) librairie Placeres compulsivos ; (ill. 4) librairie El Virrey.
Après ces deux précédents événements autour du livre de Clemencia Salmon, à la suite desquels j’ai pu assister à la présentation de Ricardo Wiesse,
2 – Ricardo Wiesse.
Ricardo Weisse (1954) est un peintre péruvien qui se dédie également à l’écriture. Au début des années 1980, il commence son voyage en Europe par des études à l’Ecole des beaux-arts, à Paris. Il présente son premier ouvrage littéraire Ángela de los milagros au musée d’art contemporain de Lima (MAC) en compagnie de Giovanna Rosa Pollarolo Giglio (1952), poétesse, essayiste, conteuse et scénariste péruvienne d’origine italienne et de l’écrivain et journaliste Alonso Cueto (1954) (ill.6). Pour me rendre au MAC situé dans le quartier de Barranco je passe par la voie rapide dont le décor mural a été réalisé par l’artiste (ill.5). Non loin de là, près du front de mer une autre de ses réalisations monumentales est visible sur un escalier du quartier (ill. 7).
Ci-dessus. (ill. 6) Affiche de la présentation du livre de R. Wiesse au MAC de Lima ; Ricardo Wiesse. (ill. 5) Décor mural, (ill. 7) mur en mosaïque sur la promenade du Malecón.
Le lendemain, je reçois un appel téléphonique du peintre péruvien Alberto Quintanilla résidant en France mais en visite au Pérou. Alberto m’apprend le décès de son épouse. Il est à Lima pour quelques semaines et je décide, rendez-vous pris, d’aller le voir.
3 – L’appartement-atelier d’Alberto Quintanilla.
J’ai retrouvé Alberto Quintanilla (1932) à Lima dans son appartement atelier de Jesus Maria situé au dixième étage d’un édifice des années 1960, la vue est magnifique. Assis à sa table de travail, il termine quelques dessins d’oiseau sur un de ses carnets (ill. 8). Des toiles sont posées au sol, mises en avant, dans l’attente de sa prochaine exposition. Alberto aime évoquer son parcours entre le Pérou et la France son pays d’adoption. Ses rencontres, ses affinités, ses choix et surtout ses histoires et contes traditionnels andins qu’il raconte avec plaisir en kechua pour me les traduire simultanément en espagnol et en français. En se frayant un chemin parmi ses sculptures monumentales (ill. 9), Alberto me montre ses peintures aux couleurs vives et son travail graphique de dessins, lithographies et gravures. Les gardiens de ces lieux propices à la création sont les innombrables figurines placées sur les recoins des tables et le long des étagères, des personnages et des animaux imaginaires qu’il fabrique à partir de matériaux de rebuts ou des restes végétaux qu’il collecte et utilise après séchage (ill. 10). Un art populaire qu’il pratique depuis son enfance à Cusco.
(ill. 8) Alberto Quintanilla feuilletant son carnet de dessins d’oiseaux ; (ill. 9) Alberto Quintanilla parmi ses sculptures monumentales (ill. 10) les figurines de Quintanilla dans l’atelier.
Après la visite chez Quintanilla, contact avec Yerko Zlatar comme moi représenté par la galerie Younique…
4 – Le studio de Yerko Zlatar.
L’espace de travail de Yerko Zlatar (1977, Pérou) se partage entre design store et atelier d’artiste (ill. 11). Ce créateur aux origines croates lointaines, vit et travaille à Lima. Il fait partie des artistes de la galerie franco-péruvienne Younique. La visite de son atelier m’a permis d’apprécier un œuvre qui se développe à travers différentes techniques : peinture, collage, sculpture, moulage, monotype, vidéo…
Dans ses derniers travaux, il s’intéresse à l’archéologie péruviennes pour y trouver des correspondances avec les formes contemporaines issues de productions industrielles, les emballages de matière synthétique en est un exemple. Pour ce créateur, ils deviennent des matrices qui génèrent des formes semblables aux architectures précolombiennes (ill. 12). Ces travaux de sculptures lui permettent de se questionner sur la géométrie et la construction des édifices du Pérou ancien. Une thématique suivie dans la préparation de son exposition au Musée d’Art de Lima (MALI) qui a fait dernièrement l’objet d’un article.
(ill. 11) Vue du design store de Yerko Zlatar depuis son atelier ; (ill. 12) Yerko Zlatar dans son atelier.
Avec l’auteure Clemencia Salmón, son mari Yurgen et leur nièce Patty nous allons voir l’exposition qui se tient à l’Institut culturel péruvien nord-américain (ICPNA),
5 – L’Institut culturel péruvien nord-américain (ICPNA). Expositions d’Adriana Ciudad et de Nancy La Rosa.
Deux artistes péruviennes ont investi la galerie Germán Krüger Espantoso de l’Institut culturel péruvien nord-américain (ICPNA), la première, Adriana Ciudad, avec l’exposition El rio de todas las vidas, dont le commissariat a été réalisé par Florencia Portocarrero, et la seconde, Nancy La Rosa avec sa présentation d’Un jardín y algunas selvas accompagnée par les comissaires Susie Quillinan y Dorota Biczel.
Adriana Ciudad. L’exposition d’Adriana Ciudad a été l’occasion d’une collaboration avec Isaac Ernesto sur une œuvre intitulée La revolución del afecto (2022), une œuvre qui explore les traumatismes intergénérationnels subi par les ancêtres familiaux des deux artistes à travers deux histoires parallèles (ill. 13). Une psychogénéalogie traduite plastiquement au travers de vidéos qui permettent de clarifier et assainir les empreintes indélébiles laissées sur la construction de son identité. Ce témoignage vidéo est accompagné d’un corpus documentaire exposé sous vitrine et d’une œuvre murale Rios de sangre (2024) prenant la forme d’une installation murale spécialement conçue pour l’occasion par Isaac Ernesto. Un réseau filaire dont les connexions se ramifie en plusieurs directions et s’étendent sur deux murs de la galerie à partir du mot Mère (ill. 14).
En deuxième lieu, Adriana Ciudad propose une installation Heridas y remedios, œuvre autobiographique sur la thématique peu exprimée des violences physiques et émotionnelles que subit le corps de la femme lors de toutes les étapes par lesquelles elle passe pour enfanter (ill. 15 ). Elle axe son propos sur le peu de pouvoir de la médecine conventionnelle pour pallier à ces souffrances alors qu’elles sont prise en compte par les soins et les médecines traditionnelles que se transmettent les femmes depuis des temps immémoriaux (ill. 16). Ce travail sensible et puissant rappel dans sa mise en forme certaines œuvres de l’artiste mexicaine Teresa Margolles (1963).

Nancy La Rosa. Avec Un jardín y algunas selvas, Nancy la Rosa nous parle de la dichotomie établie par l’Occident. L’ordre hiérarchique des choses entre l’Europe et le reste du monde. La video Un jardín y algunas selvas qui donne son nom à l’exposition commence par les paroles d’un parlementaire européen qui évoque l’Europe comme une entité où « tout fonctionne » dans un monde comparé à une jungle qu’il est nécessaire de cultiver…. Hablaremos de semillas est une installation sonore composée d’éléments de céramiques en suspension qui distillent des histoires (ill. 17). Les céramiques ont une forme hybride mi graine mi sac de transport, en se référant directement au logo des Editions Larousse Je sème à tous vent qui illustre depuis 1876 une fleur de pissenlit dont les ombelles s’envolent symbolisant l’Être humain et la connaissance. Edmond Couchot et Michel Bret initiateurs des premiers dispositifs cybernétiques interactifs dès les années 1960 s’en sont également inspiré. Plusieurs éléments documentaires, des sérigraphies imprimées sur toile accompagnent le propos (ill. 18).

Toujours avec ce même groupe affectueux une visite à l’exposition sur les architectures de Barranco…
6 – Gonzalo García.
Le quartier des artistes et de la bohème liménienne, héberge la librairie La Rebelde, qui propose une exposition Barranco a Mano Alzada de l’architecte péruvien Gonzalo García (ill. 19). Il se passionne pour les édifices anciens du quartier de Barranco d’autant plus que l’un de ces édifices majeurs, le Puente de los Suspiros (le Pont des Soupirs), est une structure qui a une signification personnelle pour l’architecte. Son arrière-arrière-grand-père, Enrique García Monterroso, le premier maire de Barranco, est celui qui a ordonné sa construction en 1876. L’exposition Barranco a Mano Alzada est un événement qui s’inscrit dans le contexte du 150e anniversaire de la fondation du quartier de Barranco. L’ensemble est relatif aux architectures typiques de cet ancien quartier de Lima Un bel accrochage composé de reproductions sur papier Fineart en tirage limité. (ill. 20).
Ci-dessus. (ill. 19 et 20). Affiche et accrochage des dessins de l’architecte péruvien Gonzalo García à la librairie La Rebelde.
De là, je me rends dans le centre, au Musée d’Art de Lima (MALI) pour y rencontrer mon collègue et ami Ricardo Kusunoki, le spécialiste de l’art colonial et républicain dans ce musée incontournable de Lima aux programmations temporaires renouvelées et novatrices. Ricardo m’a aidé en 2019 à retrouver plusieurs documents relatifs à mon père et mon oncle, Juan Manuel Cardenas-Castro et José Félix Cardenas-Castro, notamment dans la revue Variedades. Je n’ai pas revu Ricardo depuis lors, la crise sanitaire mondiale et ses effets délétères au Pérou ayant stoppé tous les projets culturels. Après avoir échangé sur nos projets communs depuis cette longue période d’absence, Ricardo m’invite à rencontrer d’une part, Patricia Ciriani, critique d’art, muséographe et professeure d’histoire de l’art à l’Universidad Nacional Mayor de San Marcos (UNMSM) et à la Pontificia Universidad Católica del Perú (PUCP) et, d’autre part, Gredna Landolt, commissaire d’exposition au centre culturel Inca Garcilaso.
Le point de rencontre avec Patricia Ciriani est le Bar Cordano, l’un des bars les plus anciens de Lima fondé en 1905. Arrivé en avance au rendez-vous, je visite la maison de la littérature péruvienne qui est située en face. Ce lieu de rencontre, de réflexion et de création autour de la littérature est logé dans un bâtiment au style académique français, l’ancien bâtiment de la gare ferroviaire centrale appelée gare des Sans-abris qui permettait d’aller de Callao à Cerro de Pasco. Son nom est celui du Temple et Couvent de Notre-Dame des Sans-abri autrefois à proximité de la gare. La maison de la littérature péruvienne propose une exposition temporaire très bien scénographié et documentée avec un fonds d’archives relatives aux principales périodes et courants littéraires péruviens. Une œuvre murale a été réalisée in situ dans le cadre de cette exposition par Josué Sanchez, l’illustrateur de la couverture du livre Qalachaki dont j’ai illustré les pages intérieures (ill. )… Patricia Ciriani est française, établie au Pérou avec son époux péruvien. Rencontrer des collègues français est toujours un plaisir et l’occasion d’échanger sur nos différents pays. Patricia me donne les contacts du peintre péruvien Ramiro Llona, avec qui elle collabore, également de son collègue universitaire Marcel Velázquez, professeur à la Faculté des lettres de l’Université San Marcos et à la Pontificia Universidad Católica del Perú où il enseigne la littérature péruvienne de la fin du XIXe siècle et du début XXe. C’est l’un des intervenant du colloque international « Les représentations du Pérou et le bicentenaire de l’Indépendance (1821-2021) », colloque organisé en 2021 au Musée d’Aquitaine par Isabelle Tauzin-Castellanos, Mónica Cárdenas Moreno et Maylis Santa-Cruz de l’Université Bordeaux-Montaigne. J’ai rencontré Marcel à l’occasion du colloque auquel j’ai également participé. Marcel Velázquez me propose de donner une conférence (ill.21) pour faire découvrir à ses étudiants la collaboration de Juan Manuel Cárdenas Castro et de Lastenia Larriva de Llona sur le livre Cuentos en 1919 (ill. 22).

Je prends contact avec Ramiro Llona qui m’invite dans son atelier de Barranco…
7 – Ramiro Llona, du livre d’artiste aux grands formats peints.
Le peintre péruvien Ramiro Llona vient de terminer son exposition au Musée d’Art Contemporain (MAC) de Lima, une exposition monographique d’ampleur présentant une série de peintures de grands formats. Ramiro m’accueille dans son atelier monumental, un espace à la dimension de ses peintures (ill. 25). Nous échangeons à propos de la collaboration de Juan Manuel Cardenas-Castro, mon père, avec son aïeule Lastenia Larriva de Llona, il en vient à me dessiner un diagramme (ill. 24) pour m’expliquer la généalogie complexe qui le relie à Clemencia Salmón, l’auteure du livre que j’ai illustré. Nous échangeons également sur nos travaux respectifs, peintures, dessins et livres d’artiste. Le sujet l’intéresse et il sort de sa réserve un livre de grande dimension qu’il a réalisé sur une période de douze années, de 2010 à 2021 (ill. 23). Dans les tonalités de noir et de blanc en passant par des nuances de gris, le livre est magnifique, il se distingue par de nombreux effets techniques, des matières, des collages, des transparences, tout en restant d’une rare simplicité, ce livre n’en est pas moins somptueux.


(ill. 23) Un des livres d’artiste de Ramiro Llona ; (ill. 24) le diagramme dessiné par Ramiro Llona montrant ses liens de parenté avec Lastenia Llariva de Llona et Clemencia Salmón.

Clemencia Salmón m’a donné le contact de l’une des fondatrices de la galerie Forum avec laquelle je prends rendez-vous…
8 – Tea Zegarra et la galerie Forum
La galerie Forum fête cette année, en décembre, ses 46 ans de travail ininterrompu pour la promotion des arts plastiques au Pérou. Depuis 1974, elle a accompagné les artistes émergents et les jeunes générations de créateurs. C’est plus de six cents artistes qui sont passé par ce lieu mythique. Je suis reçu par Tea Zegarra, l’une des trois fondatrices de la galerie, une femme qui, au premier abord, est plutôt distante et réservée mais dont les yeux s’illuminent petit à petit quand je lui montre mes peintures et que nous parlons d’art et d’artistes. Il s’ensuit une collaboration et le dépôt de quelques-unes de mes œuvres sur papier.
Le samedi est propice à une ballade à la Punta, l’un des districts de la province de Callao fondée en 1852…
9 – Callao Monumental
La partie sud de la province de Callao entre la Costa Verde et le lit du fleuve Rímac, est la zone la plus urbanisée, dans laquelle se trouvent les districts de Bellavista, La Perla, La Punta et la moitié sud du district du Callao. La plus grande partie s’étend en une zone résidentielle avec des installations industrielles à divers endroits, principalement sur l’avenue Argentina et dans les environs du terminal maritime. Les constructions les plus anciennes se trouvent dans le centre historique et à La Punta, au sud-ouest de la province. Un déjeuner dans une des cevicherias du quartier est un passage obligé pour apprécier quelques plats liméniens typiques avant de continuer notre visite du Callao Monumental, un projet d’art urbain initiée par l’association Fugaz Arte de Convivir dont le but est de promouvoir des activités socioculturelles pour améliorer la qualité de vie des habitants du lieu. Chemin faisant, aux détours des rues, de nombreuses peintures murales (ill. 29) avant d’arriver devant la casa Ronald — lieu emblématique du Callao monumental — un ancien bâtiment commandé par Guillermo Ronald y Padilla, propriétaire de plusieurs usines et sociétés dédiées à l’importation et la vente de marchandises dans le Callao et la Punta. Le bâtiment inauguré en 1928 a servi pour des usages institutionnel, commercial et résidentiel. Il reçoit aujourd’hui des espaces d’expositions pour les artistes qui peuvent aussi bénéficier d’atelier en résidence (ill. 28).
Je continue mes visites des lieux d’art contemporain dans le quartier de Santiago de Surco…
10 – La galerie Younique.
La galerie Younique est un lieu incontournable pour l’amateur d’art contemporain, pour le collectionneur averti qui veut découvrir la création contemporaine péruvienne et française à Lima. Une sélection d’artistes des deux horizons se répartie sur les cimaises d’un espace soigné. Un accrochage irréprochables et une mise en lumière précise permettent d’apprécier les œuvres d’Eric Castro, Majo Guerrero, Evelyn Merino-Reyna, Georges Rousse… (ill. 30) La galerie est gérée par Betino Sanabria et son épouse qui ont su concilier les matériaux design et l’art contemporain avec justesse.

Avec mes amis péruviens, je décide d’aller en voiture visiter le site de Pachacamac sis à une trentaine de kilomètres de Lima. Son musée de site présente des collections issues des fouilles archéologiques du lieu : céramiques, textiles et autres artefacts…
11 – Le site de Pachacamac et ses environs.
Le musée de site de Pachacamac situé au sud de Lima sur la côte désertique présente des ruines allant de la civilisation Lima (200-600 après J.-C.) aux Incas (1450-1530). Ce parc archéologique s’étend sur un vaste espace et comprend des architectures de pierre et d’adobe. Une muséographie claire et efficace accompagne la présentation de céramiques, de textiles et de divers vestiges archéologiques de la région (ill. 31). Les ateliers pédagogiques sont dédiés aux plantes et matériaux, aux pièces archéologiques, en invitant les publics principalement scolaires à les reconnaître et à les identifier (ill. 32). Nous continuons notre excursion en direction du sud. Après le village de Tomina (ill. 34), en continuant à pied parmi un environnement accueillant une variété d’espèces végétales (huarango [Prosopis pallida], cactus, fleurs sauvages…), et de nombreux oiseaux (Turtupilín [Pyrocephalus rubinus capensis], colibris…), nous arrivons au pied d’une colline pentue, surnommée le « Pain de sucre » entourée de nombreuses cultures de Sansevieria trifasciata et autres plantes comestibles. Elle s’élève à 150 mètres de hauteur. A son sommet, j’y retrouve l’archéologue liménien Edgardo Melendrez pour une entrevue in situ, sur l’un de ses chantiers de fouilles, afin d’échanger sur les différents aspects méthodologiques et techniques de sa recherche. Depuis le sommet du « Pain de sucre », Edgardo me montre les différents sites de fouilles sur lesquels il opère. Celui de Cardal, dirigé par l’archéologue Richard Burger, comporte un important temple en forme de U, comportant deux plates-formes latérales bordant une pyramide principale (ill. 33). Le site, étudié depuis 1985 et daté au carbone 14, indique que Cardal a été occupé entre 1150 et 800 av. J.-C. environ. Il révèle l’absence de canaux d’irrigation, la présence de sols soigneusement préparés et l’utilisation d’épaisses couches de pierre comme noyau de la zone centrale surélevée du temple. On y a également découvert de nombreuses places circulaires en creux, des chambres décorées d’iconographie religieuse, des ordures ménagères et de petits bâtiments rustiques.

Ci-dessus. (ill. 31) L’idole de Pachacamac, bois ; (ill. 32) fausses têtes funéraires, style Wari-Pachacamac et Ychma récent, horizon moyen et début de l’intermédiaire tardif (VIIe-XIIe s.)
Après cette excursion aux environs de Lima, je me rends à Cusco pour l’intervention prévue à l’Université Diego Quispe Tito…
B – CUSCO
1 – La présentation aux étudiants de l’Université Diégo Quispe Tito.
Le projet de valorisation de l’œuvre du peintre Juan Manuel Cardenas-Castro initié en 2018 m’a permis de rencontrer de nombreux acteurs de la vie culturelle cusquénienne, institutionnels, journalistes, historien de l’art, peintres… L’un d’eux, Edwin Quispecuro Nina, professeur de peinture et d’histoire de l’art, m’a contacté pour effectuer une présentation de mon parcours d’artiste et de muséographe aux étudiants de l’Université Nationale d’art Diégo Quispe Tito de Cusco (ill. 35). J’ai prolongé cette intervention par un dialogue avec les futurs artistes et leurs professeurs au cours d’une visite de leurs ateliers installés dans un nouveau campus plus spacieux que celui de la calle Marques précédemment occupé. (ill. 36).
Edwin, me propose d’aller assister aux festivités en l’honneur de la Virgen del Rosario de Huallhua dans la vallée sacrée des Incas…
2 – La fête de la Virgen del Rosario de Huallhua.
J’accompagne Edwin Quispecuro Nina, natif de San Salvador, village de la vallée sacrée, non loin de Calca, à la fête de la Virgen del Rosario de Huallhua qui a lieu chaque année, le 8 octobre. Nous y allons en voiture avec notre ami commun César Babilonia, agent du Ministère de la culture de Cusco qui a participé au transit des œuvres de Juan Manuel Cardenas-Castro pour l’exposition monographique au musée historique de Cusco en 2019. Arrivé à San Salvador, nous montons à pied avec tous les fidèles jusqu’à la chapelle construite par les habitants des communautés andines de T’eracanchi et Siusa. Selon la tradition orale, l’histoire de la Vierge du Rosaire de Huallhua commence au début du XVIIIe s. avec une vision miraculeuse de l’image de la vierge trouvée peinte sur le mur d’une ferme. Après l’apparition, les habitants ont construit la chapelle et y ont transféré l’image. Elle y est toujours présente et vénérée. Aujourd’hui, la tradition se perpétue, durant les festivités en l’honneur de la Vierge du Rosaire de Huallhua. Des messes en quechua et castillan sont célébrées au son de musique religieuse de style andin qui accompagne aussi le déroulement de la procession de l’image vénérée (ill. 37). La population participe en interprétant les danses typiques de la région (Qhapaq Chuncho, Saqra, Negrillos, Siqlla, Qhapaq Negro, K’achampa, Qoyacha, Majeño, Chunchacha, Qhapaq Qolla…) au rythme de mélodies traditionnelles qui sont interprétées par des ensembles de musique folklorique (ill. 38). Je remarque peu de touristes si ce n’est des exilés péruviens des quatre coins du monde qui se retrouvent chaque année à cette occasion. Comme toujours ces fêtes religieuses sont préparées bien en avance, les costumes, emblèmes, habillent les participants, musiciens et danseurs. Les plats et boissons typiques de la région me sont offerts avec cette hospitalité ancestrale et coutumière de la vallée.

De retour à Cusco dans la soirée, je vais voir l’exposition de Ricardo Wiesse à la galerie Mantay
3 – L’exposition de Ricardo Wiesse à Cusco.
Le travail du peintre Ricardo Weisse est exposé à la Mantay galeria de arte moderno (ill. 39). Une exposition monographique intitulée Línea del Tiempo. Une proposition de grande qualité qui regroupe quarante-trois œuvres venant faire le point sur quarante ans de peinture. Une belle présentation de moyens et de petits formats qui montre le goût de l’artiste pour le paysage au travers de différents sujets e de diverses techniques allant de la figuration à l’abstraction (ill. 40).


Le lendemain, je décide de passer saluer la Directrice de l’Alliance française,
4 – Projet iconographique avec les hautes montagnes
L’Alliance française de Cusco (sise avenue la Cultura). La Directrice est en déplacement pour plusieurs jours et je ne pourrai la rencontrer car je dois rentrer à Lima pour honorer l’entrevue planifiée avec le Conseiller culturel, Hugues de Chavagnac. L’Alliance française présente dans son espace d’exposition (ill. 41) une série de photographies relatives à l’impact de la vie en altitude dans le cadre du projet « Amélioration de la santé au Pérou » financé par l’Ambassade de France. Un projet mené en collaboration avec l’Université péruvienne Cayetano Heredia (UPCH), l’Université Nationale de l’Altiplano (UNAP), l’Université San Antonio Abad de Cusco (UNSAAC) et l’Université Andine de Cusco (UAC). Expédition 5300 est le nom de ce programme de recherche sur les habitants de la ville de La Rinconada, ville perchée à cinq mille trois cent mètres d’altitude et considérée comme la plus haute du monde. L’exposition du même nom présente les photographies d’Axel Pittet, responsable de la communication de l’expédition menée par Samuel Vergès directeur de recherche et chef de l’expédition (ill. 42).

De retour à Lima, je me rends à l’Institut français d’Etudes andines pour rencontrer sa nouvelle Directrice…
12 – L’Institut français d’Etudes andines.
Irène Favier me reçoit et je lui présente mes recherches sur Juan Manuel Cardenas-Castro et l’indigénisme. Je lui fais part de mes projets culturels à venir. S’ensuit une visite des locaux rénovés… L’Institut français d’Etudes andines (IFEA) est à la fois une unité de recherche et une plateforme d’appui à la recherche française et européenne en collaboration avec les pays andins. Il produit des connaissances fondamentales essentiellement en sciences sociales et humaines et en archéologie. L’analyse en profondeur des processus sociaux, économiques, politiques et culturels lui permet d’alimenter le débat public grâce à ses missions de diffusion des connaissances qui passent par différents supports (éditions scientifiques, colloques et conférences, mise à disposition d’une bibliothèque de recherche). Il sert également de point d’appui à la formation de doctorants. Il collabore avec le dispositif français d’action culturelle, les universités et institutions de recherche françaises, les communautés scientifiques locales. L’institut organise ses travaux autour de quatre activités complémentaires : la production de connaissances scientifiques en sciences humaines et sociales ; l’animation scientifique avec l’organisation de congrès, colloques, séminaires et ateliers de formation ; la diffusion et la valorisation des connaissances ; la formation à la recherche. La bibliothèque de recherche offre un fonds exceptionnel d’ouvrages spécialisés en français et en espagnol.
Depuis 2016, le siège de l’Institut est dans le quartier liménien de Barranco, dans une demeure patrimoniale léguée en 2005 par l’archéologue péruvien Carlos Brignardello. La bibliothèque de recherche, sise à l’Alliance française depuis les années 1970, et la librairie ont déménagé en 2022 dans ces nouveaux locaux. Ils portent les noms de bibliothèque Carlos Brignardello et de librairie Alina Wong en hommage à l’ancienne chargée des ventes des publications de l’Institut. Ils accueillent aussi des bureaux pour les chercheurs, une salle de réunion et une salle de conférences. L’IFEA regroupe donc désormais, sur un même site et dans des locaux modernes en harmonie avec l’environnement patrimonial (ill. 44), les chercheurs (ill. 43), les étudiants et le public participants aux événements scientifiques. l’IFEA poursuit aujourd’hui ses collaborations avec les universités et instituts de recherche andins et, plus largement, latino-américains, en lien avec la communauté scientifique, diplomatique et culturelle française, tout en mettant aussi ses capacités de recherche à la disposition de la société civile.
Mes pérégrinations nous mènent vers une institution privée, le Musée Amano…
13 – Le Museoamano
Yoshitaro Amano est le fondateur du musée Amano. Cet entrepreneur japonais a fait fortune dans diverses entreprises américaines au cours des années 1930. Déporté au Japon en tant que prisonnier de guerre après la Seconde Guerre mondiale, il retourne aux Etats-Unis avant de s’installer au Pérou en 1951. Amano a constitué sa collection d’art précolombien en récupérant les objets archéologiques abandonnés dans les déserts côtiers par les pilleurs de tombes afin de les exposer dans sa maison de Miraflores. En 1964, il fonde le musée Amano, l’un des premiers bâtiments conçus au Pérou pour servir de musée, reconnu comme l’un des plus importants espaces d’exposition d’art textile et devenant une référence pour les chercheurs japonais et péruviens. Depuis, la famille Amano a pris la décision de rénover le musée en poursuivant le but de son fondateur. Le nouveau concept, Amano, Museo Textil Precolombino, offre une exposition moderne, entièrement axée sur le monde du textile précolombien tout en offrant des conditions d’exposition et de conservation qui le distingue parmi les institutions péruviennes de cette catégorie (ill. 45 et 46). L’institution propose aussi des expositions d’artistes contemporains.
En soirée Lima propose de nombreux événements. Je suis convié à une représentation théâtrale…
14 – Le théâtre La Plaza.
Le théâtre La Plaza a ouvert ses portes en 2003 à Miraflores dans le centre commercial Larcomar inauguré en 1998. Sa programmation actuelle est orientée vers les textes de nouvelles dramaturgies, ainsi que des classiques sous un regard contemporain avec la volonté dans les années à venir de garder une ligne engagée dans la construction d’un théâtre perméable aux questions de société. La pièce, Detrás ruge el lago (ill. 47 et 48), mise en scène et dirigée par Mariana de Althaus avec Tatiana Astengo, Miguel Dávalos, Leonardo Torres Vilar, Verony Centeno, Carolay Rodriguez, Alain Salinas, est une libre interprétation de la Mouette d’Anton Tchekhov (1860-1904). Une transposition dans une région rurale du Pérou, où un jeune écrivain vit dans l’hacienda de sa mère, une actrice célèbre de Lima accompagnée de son compagnon, un écrivain également célèbre. L’évocation de la période précédant l’éclosion du groupe terroriste Sendero Luminoso et une série de malentendus amoureux, de confrontations et de décisions qui vont marquer la vie des protagonistes situent le cadre dans lequel se retrouvent tous les personnages d’une pièce qui explore le passé à la recherche d’indices permettant de mieux comprendre le présent…

Cette série d’événements rencontrés et appréciés au fil d’une visite entre les montagnes et la plaine m’a permis différents prolongements relatifs, d’une part à mes recherches anthropologiques et iconographiques, et, d’autre part à des actions culturelles dans les domaines de l’art contemporain et des échanges Est-Ouest.
Il est en effet question dans le cadre de mes activités de chercheur, de commissaire d’exposition, de préparer et de coordonner des événements pluridisciplinaires mettant en lien la création contemporaine péruvienne (peinture, sculpture, gravure…) avec parfois ma propre création. Dans cette optique différentes publications sont prévues. Elles seront disponibles après parution dans les catalogues et bibliographies des bibliothèques idoines.
ELEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES
- Fare mondi : 53. Esposizione internazionale d’arte, Venezia : La Biennale di Venezia, 2009, 107 p. ill. coul.
- Déjà vu, 10-19 mars 2010, Galerie Michel Journiac, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne UFR 04, in Semaine 07.10, Paris, Ed. Analogues 2010.
- Richard L. Burger. El complejo pyramidal de Cardal, Peru, publicado originalmente en: National geographic research 3(3): 363-375 (1987), traducción: Victor Falcón Huayta 2017.
- Site de l’Universidad nacional de arte Diego Quispe Tito del Cusco : https://unadqtc.edu.pe/
- Kattia Pacheco – IFEA (17 décembre 2021). Remodelación y ampliación del IFEA en Lima (2da parte). IFEA. Consulté le 14 novembre 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/pv2x
- Site du musée Amano : https://www.museoamano.org/
- Site de l’artiste Yerko Zlatar. yerkozlatar.com
ADRESSES UTILES

REMERCIEMENTS
Mesdames
Gracia Angulo, Maria Cardenas-Bänninger, Angela Yannis Castro Gutiérrez, María Antonieta Castro Gutiérrez, Patricia Ciriani, María del Carmen Castro Gutiérrez, Margot Delgado de la Flor Castro, Irène Favier, Alexia Gildemeister Salmón, Margot Gutiérrez de Castro, Nicole Haaker Salmón, Gredna Landolt, Ana Robles, Norfa Salas Barahona, Carla Salazar, Iris Salmón, Patricia Salmón, Clemencia Salmón de Weigmann, Marisa Sanabria, Matilde Ureta de Caplansky, Carmela Wiesse, Tea Zegarra.
Messieurs
Matthias Bloch, Alvaro Castro Gutiérrez, Hugues de Chavagnac, César Augusto Gómez Babilonia, Edwin Victor Huamani Fernández, Ricardo Kusunoki, Ramiro Llona, Edgardo Melendrez, Diego Paredes, Alberto Quintanilla, Edwin Quispecuro Nina, Jorge Salmón, Betino Sanabria, Yerko Zlatar, Marcel Velázquez, Fernando Villegas, Yürgen Weigmann, Ricardo Wiesse.





























