À l’arrache, 6e édition. Historique et développements induits

par Christophe Comentale

Depuis plusieurs décennies, les montages de grands projets institutionnels peu participatifs — un temps tolérable — ne cessent de reprendre le dessus sur toute entreprise individuelle. Parfois, a contrario de ce schéma, des mélanges plus conviviaux font leur apparition… À l’arrache est l’un de ceux-là. Pourvu qu’il continue de cette façon vertueuse et solidaire…

Sérigraphie murale de la manifestation

Quelques lignes sur un historique paradoxal

La Triennale mondiale d’estampe de petit format a ouvert sa 11e édition. Soit 33 ans après celle qui s’est tenue pour la première fois en 1988, et qui avait pour directeur artistique et fondateur Slobo, également peintre de trompe-l’œil aux cieux d’un bleu suintant un optimisme que lui rendaient bien des architectures phares. Au fil de ces décennies, les participants venus des cinq continents ont pu montrer au format quart raisin, à travers toutes techniques possibles d’impression, en plat, en creux, en relief, des œuvres aux thèmes les plus larges, légers, extrêmes, … traduits en noirs ou avec des polychromies infinies. Les gaufrages et autres reliefs, hauts, bas ou empâtés ont ainsi poussé — à leur insu même — un large public à devenir collectionneur de ces images qui font rêver, réfléchir, réagir en suscitant les passions de tous extrêmes.

Progressivement, les collaborations se sont multipliées, ont également, en raison des fluctuations géopolitiques, vu des modifications importantes se faire jour. Ainsi, à titre d’exemple, s’il fallait, très en amont, planifier une sélection avec la Chine, en raison de la récente ouverture prônée vers l’étranger par les autorités politiques, les envois d’œuvres au format raisin restaient difficiles et coûteuses.

Les choses ont partiellement changé. Des différentes provinces du pays, les gouverneurs ont permis l’envoi d’œuvres de toutes tendances, des sujets fort traditionnels à des séquences de vie plus immédiates. La Chine a aussi été pays invité, et, pour toutes ces expositions, hors gabarit habituel, d’imposants formats ont pu être présentés au public français. Les artistes taiwanais ont, à leur tour, fait des efforts pour participer à cette manifestation qu’accompagnait un fort catalogue illustré. Cependant, avec l’entrée de la Chine à l’Organisation Mondiale du Commerce, la donne a changé. La forte valeur ajoutée donnée aux créations culturelles a beaucoup amélioré le statut de l’artiste, désormais courtisé par des amateurs d’art nombreux et au pouvoir d’achat dopé par cette entrée à l’OMC en 2001.

Ce nouveau statut de l’artiste coïncide avec une ouverture économique sans précédent, ouverture qui confirme la Chine dans un statut de superpuissance, désormais dotée d’une visibilité parfois gênante. Quant aux collaborations Est-Ouest, elles acquièrent un poids différent. Désormais, à la modestie des expositions made in Europe, impliquant des artistes occidentaux, maîtres de leur destin, souvent un destin qu’ils doivent mener de pair avec l’équilibre à trouver pour déployer deux activités alliant passion et raison, les institutions chinoises officielles ou des galeries à statut privé spécifique invitent, quant à eux, les artistes occidentaux à présenter un corpus d’œuvres lors de manifestations organisées dans d’immenses lieux. Tous les postes de dépenses des expositions sont pris en charge… Le made in China a acquis une fiabilité autre.

C’est ce qui a amené Marc Brunier-Mestas (MBM) à organiser avec l’expertise de Marion Tournebise et Marien B. aux anciens abattoirs de la ville de Riom l’exposition À l’arrache, dont cette année 2021 marque la 6e édition. Une équipe de talentueux créateurs est désireuse de donner autant ses chances d’exposer à un créateur confirmé qu’à un groupe de néophytes ou à une association d’artistes ayant opté pour une technique, un thème jugés essentiels… l’aura qui entoure ce trinôme n’a cessé de s’élargir, de susciter un intérêt sans cesse renouvelé.

Ainsi, après une invitation dans la capitale provinciale du Hunan, la ville de Changsha, forte de ses 6 millions d’individus a fait l’objet d’un intérêt particulier de la part de l’équipe fondatrice de ce groupe culturel à nul autre pareil qui constitue A l’arrache et dont l’une des qualités première et essentielle est de réaliser de façon soignée, fine, des manifestations de qualité.

Du développement et de l’inattendu

Ainsi, en parallèle au quart raisin utilisé par les œuvres qui constituent la collection de l’AMAC à Chamalières, est apparu le carré anglais de 300 millimètres de côté des créateurs présentés lors des expositions à l’initiative de cette relativement nouvelle équipe. En effet, cet événement itinérant international impulsé par l’école d’art de Riom et son commissaire MBM autour de l’estampe alternative et surtout hors du circuit classique de production-diffusion fonctionne depuis 10 ans. Outre la gravure réalisée exclusivement pour l’exposition, œuvre originale qui rejoint un portfolio qui a pris la forme d’un élégant coffret réalisé à autant d’exemplaires que les gravures afin qu’un exemplaire soit offert à chaque participant, plusieurs exemplaires deviennent le matériel patrimonial utilisé pour exporter l’événement en tous pays entre deux escales riomoises. Ainsi, cette année À l’arrache présente quelque deux cents œuvres, l’événement se décline en deux expositions, la première sur le site des Abattoirs regroupant le portfolio n°7 ainsi que des estampes européennes et américaines. La seconde présentera dans la chapelle de l’école d’art de Riom devenue lieu d’expositions temporaires une sélection d’une cinquantaine d’œuvres d’artistes graveurs chinois en partenariat avec l’université d’études artistiques de Changsha.

Outre la présence de graveurs en taille douce, en xylographie, les créateurs aimant utiliser l’offset, la sérigraphie sont fort nombreux, des techniques sans cesse plus proches des nouvelles technologies. Le pilotage de leur processus de réalisation est lié à une pratique forte et qui donne une approche plus légère à des œuvres qui questionnent différemment la société sous des angles parfois bien surprenants…

 

Bibliographie

  • À l’arrache, frontières 2017. Riom : école d’art et de musique, 2021. [50] p. : ill. 30 x 30 cm.
  • À l’arrache, frontières 2017. Riom : école d’art et de musique, 2021. 19 p. : ill.
  • Portfolio 7. Riom : À l’arrache, 2021. [90] gravures, coffret

Iconographie

Marc Brunier-Mestas, commissaire général d’À l’arrache dans une des salles de l’Ecole d’art de Riom qui a accueilli la manifestation


Ci-dessus, deux vues des oeuvres exposées, site des Abattoirs


Alain Cardenas Castro, Le centre du carré en trois points (2021), linogravure impressionnable, encre et crayon graphite

Cette création issue des codes de l’héraldique met en scène une figure chimérique centrale se dévoilant grâce aux forces de quatre ressorts mobiles s’étirant vers les points cardinaux de la composition. Une forme hybride révélant différents attributs : un aiguillon, la patte d’un cheval, la tête d’un dragon.

Du centre se développe un blasonnement d’écus d’argent à cinq annelets de gueule et trois demi-vols d’argent qui sont entourés par des bandes mouvantes chargée de tours et de fleurs de lys […]. Alain Cardenas-Castro,  Propos inédits (2021), fol. n. p., carnet moleskine n° 07,  21 x 15 cm.

Christophe Comentale, Entrefilets (2021), sérigraphie et linogravure, carré anglais, 30 x 30 cm (tirage de l’édition sur claie de séchage)

Comme caché entre des tentures, Han Yu [韩愈] (768-824), politicien qui prend le temps de la poésie et de la philosophie — cette science qui conditionne la société — a vécu sous la dynastie des Tang. Soucieux de laisser une trace de son passage, il est représenté en costume d’apparat. Une historiographie militante et contradictoire renvoie à des stéréotypes taoïstes ou bouddhistes devenus autres, comme avec un pavé jaune d’inspiration taoïsante « De l’un naît le deux et les dix mille choses sont à l’unisson … (ChC)

 

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