Regard sur les paysages de Magali Martija Ochoa : carnets au pastel gras et peintures à l’huile

par Alain Cardenas-Castro, Christophe Comentale et HU Jiaxing

Plusieurs rencontres avec Magali Martija Ochoa ont permis une familiarité progressive aux œuvres de cette artiste éclectique. Un article à paraître dans la revue Art et Métiers du livre (éd. Faton), a été le déclencheur de ces entretiens. Pour la présente livraison, nous avons privilégié le thème du paysage au sein d’un florilège d’œuvres choisies en raison de leur intérêt intrinsèque et esthétique.

(ill. 13), extrait de À avec accent, double-page, 50 pages, 17 x 11,5 cm, pastel gras, huile et crayons sur papier, couverture en papier peint, dos cousu, 2018.

Un cursus en lettres modernes et un mémoire sur Les jardins dans les romans du XVIIIe siècle, une formation éditoriale puis des cours de dessin aux Ateliers beaux-arts de la ville de Paris de 1997 à 2001, et à l’École nationale supérieure du paysage composent le creuset des goûts et expériences de cette femme de lettres et d’images peintes. Des images, des peintures qu’elle crée au fil du temps. Elle commence ses carnets en 1998 – elle a alors 30 ans –, la session 2001 de la Nuit de la peinture leur donne un écho relayé par des expositions, en France, notamment dans les galeries Marches à suivre, Malebranche, Frédéric-Moisan ou encore Antonine-Catzéflis et plus loin aussi, à Berlin, Bruxelles et en Amérique latine (Arequipa, Pérou).

(ill. 3), extrait de Pas de nouveau message, 74 pages, 17 x 11,5 cm, double-page, pastel gras, huile et crayons sur papier, couverture en papier peint, dos cousu, 2013.

(ill. 8), extrait de Débridé, 140 pages, 22 x 17 cm, double page, pastel gras, huile et crayons sur papier, 2017.

(ill. 10), extrait de À avec accent, 50 pages, 17 x 11,5 cm, double-page, pastel gras, huile et crayons sur papier, couverture en papier peint, dos cousu, 2018.

Des formats

Des carnets, des séries, d’abord dessinés puis peints et « colorisés », nous avons retenu une quinzaine d’œuvres, de toutes époques, œuvres, toutes liées au paysage, un thème dont la densité et les limites sont des plus riches.

(ill. 12), extrait de Pas de nouveau message, 74 pages, double page, pastel gras, huile et crayons sur papier, « Je pensais marcher solidement dans la nuit », couverture en papier peint, dos cousu, 2013.

Ce thème convient, par ailleurs, assez bien, sachant que Magali Martija Ochoa livre, expulse, en les protégeant, en les morcelant, des moments importants auxquels les rapports texte-image donnent toute leur intensité, la réflexion de chacun fait le reste. C’est là aussi un des points forts de cet ensemble de carnets qui peuvent tout à fait devenir des vues dans lesquelles la narration se fait plus contemplative.

Pour les toiles, les grands formats peints à l’huile (ill. 18, 19, 20), Magali Martija Ochoa fait part de son processus de travail, un espace entre cogitation et reprise d’éléments disparates et complémentaires : « Les marques du temps s’y superposent en strates successives. Paradoxalement, les recouvrements témoignent tant du conflit que de sa résolution, expression d’une guerre silencieuse dont les personnages-filigranes auront été les seuls témoins ».

(ill. 20), extrait de la série La légende de Bang Ta ka, 40 x 40 cm, huile sur toile, 2017.

(ill. 18), extrait de la série La légende de Bang Ta ka, 37 x 47 cm, huile sur toile, 2017

 

 

(ill. 19), Rendez-vous au cèdre !, 81 x 115 cm, huile sur toile, 2018.

L’importance du paysage

Les paysages reflètent, épousent, bien sûr, des moments de vie diurne ou nocturne, mais aussi des lieux de vie, des instants de réflexion, traduisent des moments particuliers où les personnages ont besoin d’être face à eux-mêmes et de devenir le paysage, comme cet automobiliste (ill. 3) au volant de son auto, image singulière qui traduit le plus frontalement possible le caractère autobiographique de l’œuvre. Cette section de paysage urbain est rassurante sur les parcours en méandres dans lesquels nous sommes conduits, transportés au fil des envies de leur auteur. Les moments d’émotion, de réflexion, de repli dans une intimité forte ne nous sont pas épargnés (ill. 12, 14, 15), ils restent cependant dûment opaques, nous permettant de ne pas entrer de façon inutile dans les ressacs d’événements trop personnels.

(ill. 14), extrait de Montagnes russes, 180 pages, 14 x 21,5 cm, pastel gras, crayons,  huile, « J’ai traversé mes époques, je ne reviendrai pas », papier enduit, 2011

(ill. 15), extrait de Las cartas, 100 pages, 10 x 15 cm, pastel gras et huile sur papier, « Les maisons, trahison », 2007.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un plat de reliure, celui de Pas de nouveau message (2018), montre un savant pastel (ill. 2) quasiment devenu lavis, dans la même douceur embrumée que peuvent l’être cette vue du lac de Trasimène ou de Pas de nouveau message, qui pose de façon élégante et discrète, la présence concomitante des lettres et de l’image.

 

 

 

 

 

(ill. 2 et 4), extrait de Pas de nouveau message, 74 pages, 17 x 11,5 cm, double-page, pastel gras, huile et crayons sur papier, couverture en papier peint, dos cousu, 2013.



Certaines œuvres de ces carnets (ill. 2, 4, 5, 11) ont une dimension poétique qui renvoie assez spontanément à la peinture lettrée chinoise, classique, en particulier Ming, ou tout à fait contemporaine : la mise en page du sujet, son évocation, certes, et aussi, la forte présence d’une calligraphie signifiante et où les lettres sont dans cette même complémentarité douce. Il ne s’agit ici nullement d’influences connotées, mais d’un besoin fort du texte comme présence aussi nécessaire que celle de l’image.


Ci-dessus, de haut en bas (ill. 5), extrait de Montagnes russes, 180 pages, 14 x 21,5 cm, pastel gras, crayons, huile, double-page « les grandes jambes des arbres », papier enduit et encre, 2011 et (ill. 11), extrait de Pas de nouveau message, 74 pages, 17 x 11,5 cm, double-page, pastel gras, huile et crayons sur papier, couverture en papier peint, dos cousu, 2013.


(ill. 16), extrait d’Aliquando, 70 pages, 12 x 16 cm, pastel gras, crayons, huile sur papier, 2012

(ill. 17), Yang Chunhua, Oiseaux (1987), lavis sur papier, 59,8 x 42,6 cm.

 

 

 

 

 

 

 

 

(ill. 6), extrait de Couleurs, série, 35 x 35 cm, techniques mixtes sur papier enduit, « Viens, dans la forêt de rêves, on peut parler », 2017.

À ce propos, on note qu’en Occident, la présence du texte dans l’image a été très forte durant les années 40-50 du XXe siècle avec le roman-photo en noir et blanc où étaient rajoutés des dialogues en surimpression sur chaque image. Il faut attendre le poème Seuphor-Mondrian pour que le texte reparaisse avec toute sa force puis les expérimentations de René Char ou de Blaise Cendrars. Des créateurs ont, depuis une vingtaine d’années, redonné à la lettre, toute sa force, à la fois esthétique – calligraphique – et signifiante. C’est au fil des compositions de Magali Martija Ochoa, chose faite et réussie avec autant de certitude que de force pleine.

(ill. 7), extrait de À avec accent, 50 pages, 17 x 11,5 cm, double-page, pastel gras, huile et crayons sur papier, « Demain, trente pas de plus », couverture en papier peint, dos cousu, 2018.

(ill. 9), extrait de Débridé, 140 pages, 22 x 17 cm, double page, pastel gras, huile et crayons sur papier, 2017.

 

Eléments bibliographiques

 

 

(ill. 1) Magali Martija Ochoa

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