Cette nouvelle rubrique est destinée à présenter des œuvres chinées, acquises, admirées ici et là. Cette approche permet de poser des jalons tant pour les œuvres connues ou pas, plus exactement, qui ont eu à une période donnée, pu avoir une diffusion large, dans un contexte économique et social autre. Celui de l’Humanisme. Ce sera selon.
par Alain Cardenas-Castro.
Un nom sur un visage. Célébré en son temps, Jan Sadeler est un brillant graveur d’interprétation et un remarquable technicien.


1 – Ci-dessus. Portrait de Johan Sadeler (1550-1600) gravé par Conraed Waumans. Le texte gravé sous ce portrait à mi-buste, rappelle les talents du personnage décrit et la célébrité acquise avec ses travaux. Le portrait gravé par Conraed Waumans, un frontispice, est tiré du volume Image de divers hommes d’esprit sublime, qui par leur art et science devraient vivre éternellement et desquels la louange et renommée faict estonner le monde, Anvers : J. Meyssens, 1649.
Comme le rappellent nombre de notices biographiques, plus ou moins équivalentes ou complémentaires, ou tout simplement le résumé biographique gravé en taille douce qui est sous le portrait gravé par Conraed Waumans, Sadeler est un graveur illustrateur flamand, le premier d’une célèbre famille de graveurs. Il naît à Bruxelles en 1550, et, à l’issue de sa formation à Anvers, est reçu maître en taille-douce à la guilde Saint-Luc de cette même ville en 1572. Il travaille d’abord pour l’éditeur, imprimeur et relieur Christophe Plantin (1520, Saint Avertin-1589, Anvers), grave différentes planches d’après des dessins de Crispin van den Broeck, Michiel Coxcie, Dirck Barendsz et Maarten de Vos (1532-1603). Il se rend en Allemagne à la fin des années 1570, en particulier à Cologne en 1580. En 1581 il obtient le privilège d’éditer ses gravures de l’empereur Rodolphe II. Après un court séjour à Mayence, il s’installe à Francfort-sur-le-Main avec son frère Raphaël. Il y rencontre notamment Crispin de Passe et Théodore de Bry. En 1588, Il est invité à la cour de Munich par Guillaume V. Il s’illustre pendant son séjour d’une dizaine d’années par une puissance de travail exceptionnelle et une exécution magistrale soulignée par Joachim von Sandrart.
Vers la fin du siècle il part pour l’Italie, et visite notamment Florence, Vérone, Rome et Venise où il s’installe. Il y travaille de 1596 jusqu’à sa mort qui intervient en août 1600. Son testament contient un relevé des cuivres qu’il avait en commun avec son frère Raphaël dont les quatre célèbres séries de planches sur les ermites : Sylvae Sacrae, Solitudo Sive Vitae Patrum Eremicolarum, Trophaeum vitae solitariae et Solitudo sive vitae foeminarum anachoritarum.
Son œuvre extrêmement prolifique a parfois été copiée, par exemple par Thomas de Leu, Jan van Londerseel, ou Philippe Thomassin, le premier maître de Jacques Callot.
Dans le catalogue de son œuvre publié en 1854, Charles Le Blanc dénombre 185 estampes. Plus d’un siècle plus tard, le catalogue Hollstein publié en 1980, en compte 622.
Les œuvres de Jan Sadeler sont bien représentées dans les collections publiques et privées françaises, européennes et outre-Manche. Sadeler a aussi laissé des dessins, dont un dans les fonds des Beaux-Arts de Paris, Amour assis tenant une tablette (plume, encre brune et lavis d’encre de Chine, H. 0,104 ; L. 0,86 m). La pièce est signée et datée de sa main, et a été réalisée lors de son séjour à Munich, avant son départ pour l’Italie. Elle fait partie du petit corpus de dessins connus de l’artiste, avec le Portrait de Joris Hoefnagel (Kunsthalle, Brême), et la Fortune sur un globe terrestre (Albertina, Vienne). Le musée du Nouveau Monde de La Rochelle, dispose, quant à lui, d’une Allégorie de l’Amérique parmi sa collection (estampe, H. 20 ; L. 23 cm).


Ci-dessus. Tableau généalogique partiel de la famille Sadeler (d’après Ramaix, 1992, pp. 9-20)


2 – Le début du Déluge par Sadeler, Johan (1550, Bruxelles-1600, Venise) (de haut en bas) Johan, Sadeler, Le début du Déluge (1586) taille-douce ; burin, 23,7 x 33,3 cm.
Il est spécifié les rôles de Jan Sadeler, graveur et Marteen de Vos, dessinateur, aux coins inférieurs gauche et droit de la pièce.
Titre de la série : Histoire de la famille de Seth (suite de 15 pièces).
Un rappel nécessaire : le contexte biblique est essentiel pour comprendre et lire cette œuvre. Seth est un personnage de la Genèse, premier livre de la Bible. Il est le troisième enfant d’Adam et Eve. C’est un ancêtre de Noé.
A partir de la pièce gravée a été réalisée une synthèse des principales lignes de force et diagonales qui donnent sa dynamique à l’œuvre. La diversité des tailles d’une part, la différenciation des plans et des effets de contrastes de l’autre, contribuent à ce résultat. Le premier plan décrit selon une ligne brisée une succession de personnages antiquisants luttant contre les éléments. Les arbres et déferlements d’eau sont une succession de parallèles et d’obliques formant comme un rideau qui s’est entr’ouvert en le milieu de la pièce afin de dramatiser la présence de l’arche qui va recueillir les survivants.
Sous la gravure au burin, un texte tiré de la Genèse [il est indiqué Genes 7 au centre infr de la pièce], premier livre de l’Ancien Testament, raconte cet épisode gravé. Les textes consultés sont quelque peu différents même si le contexte est proche.
Discurrere statim per florea gramina fontes. / Flumina per campos, fluuij per prata per herbas; // Vndiq grandisono fremuerunt aequora fluctu, / Erupere etiam pluuij de montibus imbres.
Une des multiples traductions possibles est proposée ci-dessous, davantage de données sont à disposition dans la rubrique Eléments bibliographiques ci-dessous. Nous la changerons après avoir eu la version demandée à une collègue latiniste].
“Courir immédiatement à travers les prairies fleuries vers les sources.
Les rivières à travers les champs, les ruisseaux à travers les prés et les herbes ; De tous côtés, les mers ont grondé avec des vagues puissantes,
Même les pluies ont jailli des montagnes.”
Eléments bibliographiques
- Charles Le Blanc, Manuel de l’amateur d’estampes, contenant le dictionnaire des graveurs de toutes les nations, dans lequel sont décrites les estampes rares, précieuses et intéressantes, avec l’indication de leurs différents états et des prix auxquels ces estampes ont été portées dans les ventes publiques, en France et à l’étranger, depuis un siècle, vol. 4, Paris, E. Bouillon, 1854
- Karen L. Bowen et Dirk Imhof, Christopher Plantin and Engraved Book Illustrations in Sixteenth-Century Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 2008, 458 p
- Isabelle de Ramaix, Les Sadeler, graveurs et éditeurs, Bruxelles, Bibliothèque royale Albert Ier, 1992
- Thomas Wilson, A catalogue raisonné of the select collection of engravings of an amateur, 1828

