Librairie ofr, 6, rue des filles du calvaire, Paris 3e. Du 15 mai au 15 septembre 2025
COMPTE-RENDU D’INAUGURATION
par Christophe Comentale
Entre couvertures et affiches uniques, documents de rebut et œuvres originales
Ouverte depuis à peine un mois, une librairie éclectique et décomplexée n’hésite pas à faire rimer consultation [feuilletage progressif de livres] avec relaxation [feuilletage libre des pages]. Pour accompagner cette approche particulière, une association d’idées qui a fait ses preuves : un banc bien en vue devant la vitrine du magasin indique ainsi qu’il vaut mieux feuilleter assis un livre, un de ceux qui sont édités, une attitude qui reflète tout à fait l’approche et le goût de ce couple franco-américain étoffant son catalogue de livres sur Paris, le Paris des gens qui sont désireux de voir en un coup d’œil, sur un coup de cœur, des aspects apparemment mineurs des quartiers de la capitale. Pas n’importe lesquels ! En fait, toujours un peu ce qui semble différent de ce que l’on cherche ou ne voit pas chez les autres. C’est réussi, léger, un survol qui s’apparente au feuilletage proposé et mis en espace par Sébastien Pignon (Paris, 1972). Le plasticien, humaniste et érudit éclectique, déploie une activité de dessinateur, de calligraphe occidental et de graveur, potier et aussi céramiste. Cet auteur de traités rares va vers des sujets parfois peu aisés, comme ce Catalogue des lieux d’aisance parisiens, réalisé en taille douce, induisant une cartographie secrète mais confortable de ces lieux privés et sélects. Il manque les superbes grands coins de certaines prestigieuses galeries…



Scénographe de facto, Sébastien Pignon s’est approprié le lieu (ill. 1) : accrochage linéaire des affiches originales sur le pourtour de la partie supérieure. A hauteur d’homme, sur une tablette libraire, des couvertures d’une cinquantaine de romans, œuvres d’érudition allant du Bouddhisme au traités sur les beaux-arts que l’artiste a lus, appréciés et transformés en œuvres originales (ill. 2 à 5) par ses interventions sur chacune, puisant au titre autant qu’au contenu. Il participe ainsi à cette Nouvelle bibliophilie, concept et aussi thème sur lequel en septembre 2011, j’avais dans la revue Art et métiers du livre donné quelques pistes sur ce que peut être un livre qui ne ressemble pas forcément et seulement à un livre… Certaines couvertures ont acquis, par ce redéploiement d’énergie créatrice, la somptuosité de certains manuscrits enluminés. A chaque époque, à chaque créateur son approche ! Quant aux amateurs et collectionneurs, à eux de voir comment mettre en valeur ces éléments d’un patrimoine déjà devenu rare !
Last but not least, cette façon de faire dialoguer des œuvres de grand format assimilées à des affiches par leurs dimensions lance vers un regard binaire, complémentaire entre deux échelles différentes. Elles captent forcément l’attention ces six céramiques , de dimensions plutôt imposantes, plusieurs pièces à l’élégance de ces poteries toscanes accueillent des touffes d’orchidées blanches, la fleur des lettrés, de ceux qui feuillètent les livres et les œuvres de ce lieu, le temps d’un été, celui de cette exposition.

