par Christophe Comentale
« … PRESENTER LE QUOTIDIEN EN L’ETAT, EN ADOPTANT UNE POSITION MOYENNE ENTRE SCENARIO, REALITE ET DOCUMENTAIRE … »
Contrairement à cette définition du néoréalisme mise en exergue ci-dessus, donner une définition précise et quelque peu exhaustive de la figuration libre est chose peu aisée, voire impossible. L’impossible n’étant pas français, une suite de six œuvres de G. Ouchot a provoqué cette nécessité dont il sera débattu ci-après. Un des rôles de l’histoire de l’art est d’exhumer les œuvres d’artistes dont la production semble bien vite oubliée face au temps qui passe. Néoréalisme international ou Figuration libre ?
给自由造型一个精确且较为详尽的定义是不容易的,如果不是不可能的话。既然不可能的事情不是法国的,一系列由G. Ouchot创作的六件作品引发了这一必要性,这将会在下文讨论。艺术史的一个作用是揭示那些其创作似乎很快被时间遗忘的艺术家的作品。
Giving a precise and somewhat exhaustive definition of free figuration is not easy, if not impossible. Since the impossible is not French, a series of six works by G. Ouchot prompted this necessity, which will be discussed below. One of the roles of art history is to bring to light the works of artists whose production seems quickly forgotten in the face of the passing of time.





一位自由表现主义艺术家
G. Ouchot(约1970年)的六件作品全部描绘了人物处于夏日环境中,从这些男女轻薄的服装可见一斑。在一处私人收藏中看到的大约三十幅作品也证实了这种风格。然而,在这一系列作品中,还有一些画作展示了艺术家对再现古代作品的兴趣——半身肖像描绘了17世纪和18世纪服装的女性。尽管如此,纵然有一些传记元素——只有少数作品署名——整个系列仍体现了对多彩用色的喜爱,通过浓密厚重的笔触表现出来,初看上去可能显得夸张。正是这种特点促使我们称之为自由表现主义,这是一股出现在1980年代初的艺术潮流,诞生于严肃、极简主义和概念艺术的背景下 …
UN ARTISTE DE LA FIGURATION LIBRE
Les six œuvres de G. Ouchot (ca 1970) représentent, toutes, des personnages dans un contexte estival si l’on en juge aux tenues légères que ces femmes et ces hommes portent. Une trentaine d’œuvres aperçues dans une collection privée ont confirmé cette approche. Cependant, parmi cet ensemble, un certain nombre d’autres peintures montrait le plaisir de l’artiste pour la reproduction d’œuvres anciennes, des portraits à mi-corps représentant des femmes en costume des 17e et 18e siècles. Il n’empêche qu’en dépit d’éléments biographiques, — seules quelques œuvres sont signées, l’ensemble de ces pièces montre un plaisir de la polychromie traduit par une touche dense et épaisse, qui peut sembler, au premier regard, comme exagérée. C’est ce qui nous pousse à parler de figuration libre, ce courant d’artistes du début des années 1980, un courant apparu dans un contexte d’art sérieux, minimaliste et conceptuel, tels, pour la France, Robert Combas, Hervé di Rosa, Richard di Rosa, Rémi Blanchard, François Boisrond, Louis Jammes, Catherine Viollet, Pascal Le Gras, Olivier Costa, Kosta Kulundzik, Bernard Buffet, Louis Cane, … prône une liberté formelle qui donne à ce qui pourrait être considéré comme un excès, une spécificité et une originalité propres à chacun.
Comme en réaction à un art jugé académique, officiel, dans différents pays, de jeunes artistes proposent, de façon isolée, mais récurrente, une peinture figurative et colorée. Un art qui prend appui sur nombre de tendances considérées comme marginales ou qui s’appuient sur des esthétiques aussi diverses que le sont celles des Néo-expressionnistes ou Nouveaux Fauves en Allemagne, Trans-avant-garde en Italie, Bad Painting aux États-Unis avec Julian Schnabel, et sur la Figuration libre en France. Cette tendance, oublieuse de règles communes, de traités ou manifestes radicaux, s’inscrit dans une spécificité plus large, qui englobe le parcours d’artistes et de mouvements historiques partants pour s’approprier des tendances a priori marginalisées, comme le cubisme qui synthétise des éléments de l’art africain et océanien, de l’art brut aux dessins d’enfants et à l’art des fous, du pop art à la publicité et à la bande dessinée. Les artistes de la figuration libre, ainsi classés par les historiens de l’art ont, à travers leurs œuvres, pris la « liberté » de faire « figurer » toutes formes d’art sans frontière de genre culturel ni d’origine géographique, sans hiérarchie de valeurs entre haute et sous-culture. Leurs œuvres convient tour à tour, les beaux-arts et les arts appliqués, l’art brut et l’art cultivé, l’art occidental et non occidental. Pour l’Asie, Tseng Kwong Chi (Ceng Guangzhi) 曾廣智. (1950, Hong Kong-1990 New York), Yang Ermin 杨佴旻 (1971, Hebei). La revue Freak wave (le n° 4 paraît en 2013) fondée par Olivier Allemane et Anne van der Linden, qui ne s’affilie à aucun courant particulier, regroupe dans ses différents numéros, des amoureux d’une polychromie intense, d’une pâte épaisse parmi tant d’autres approches.
情侣,普遍幸福的载体
正如在任何稍有深入的研究中所证实的那样,所有运动都是如此:从或大或小、隐藏甚至边缘的出现开始,这种运动会——被——引向声誉的提升,从而实际上迫使晚期创作者只能成为主题复制方面的出色工匠,而无法在本可以由画笔或前驱者的铅笔生成的深层原创性上有所作为。然而,偶然的邂逅、意外查看的资料库,仍然不断使那些在创作者消失时几乎注定被完全淘汰的作品重新出现——尤其当那位创作者的家庭环境高效管理其遗产、希望为新事物腾出空间时。隐性网络继续运作,从焚烧炉到私人收藏,只是一步之遥!
LE COUPLE, VECTEUR DE BONHEUR UNIVERSEL
Comme cela se confirme dans toute étude quelque peu nourrie, il en va de tout mouvement de la même manière, d’une apparition plus ou moins modeste, cachée, voire marginale, ce mouvement s’oriente — est orienté — vers une montée en notoriété condamnant de facto à un académisme forcé les créateurs tardifs à n’être plus que des artisans brillants dans la copie thématique mais non dans l’originalité profonde de ce que le talent aurait pu générer sous le pinceau ou le crayon des précurseurs. Il n’empêche que le hasard des rencontres, la consultation inopinée de fonds documentaires, continuent de faire resurgir des œuvres irrémédiablement vouées à une élimination assez totale lorsqu’une disparition — celle d’un créateur — est gérée avec efficacité par un environnement familial désireux de faire place nette. Le réseau implicite continue de fonctionner, et, de l’incinérateur aux collections privées, il n’y a qu’un pas !
Ainsi, une analyse précise et préliminaire révèle que cet ensemble de 6 œuvres est marqué par une évolution qui doit beaucoup à la Figuration libre, mais à la sous-rubrique constituée par le Néoréalisme international, une tendance va de pair avec la prédominance affichée par l’Organisation Mondiale du Travail. Dans ce sillage, aux paradis artificiels de Baudelaire font suite les paradis fiscaux qui ont généré cette fâcheuse tendance à thésauriser le produit culturel qui serait, parfois, restreint à une existence ce fichier informatique pouvant faire le bonheur tangible de son propriétaire posthumaniste.
Le Néoréalisme international est, d’emblée, lié à une autre façon de redéfinir les limites du monde ! Et surtout, il sera possible d’y inclure tous les aspects du corps, concept qui subit toutes les dérives les plus sectaires, des interdits de religions intolérantes à la virtualité de l’art devenu numérique, un mode autre de conditionnement à des œuvres aussi individuelles qu’inexistantes. Ce qui s’avère évident à la lecture de ces œuvres, c’est qu’elles sont un constat positif sur les représentations humaines, que l’on soit face à des femmes ou à des hommes, en groupe, en couple, ou isolé, le regard attentiste, mais de cet attentisme satisfait, presque comblé. C’est aussi le reflet d’une certaine joie de vivre.
LES LIEUX D’UNE CLASSE PRIVILEGIEE
Le contexte raffiné de cette série renvoie au plaisir de l’artiste à l’étude des œuvres classiques, notamment à la copie. On retrouve cette attention avec l’élégance des gestes et des mouvements esquissés, comme cela se voit avec le geste fédérateur de l’homme qui prend en main le vêtement de sa partenaire. Une action qui renvoie à un geste assez similaire, accentué par une polychromie voisine dans La diseuse de bonne aventure. A l’aune de cet exemple, on comprend mieux que les lieux où évoluent les personnages sont ceux fréquentés par une classe privilégiée si l’on en juge à la décontraction des vêtements portés par ce temps chaud : un parc (ill. 1 et 5), un rebord de piscine (ill. 4), un jardin ou un pan de paysage (ill.2 et 3), un intérieur donnant sur un bord de mer (06). La saison est ostensiblement celle de l’été, les feuillages sont denses, les fleurs en pleine floraison (œillets, iris et fleurs annuelles). Le soin apporté à la composition est rendu par un ou deux détails qui donnent un intérêt marqué à la scène : des bouquets ou des aires de fleurs (ill. 3 et 5). Le plaisir du moment est évident, au moins une des œuvres, de celle qui représente un couple (ill. 1) suinte une sensualité en phase avec la chaleur de la saison. Quant à l’homme assis sur un tabouret (ill. 2), la chaleur du lieu est rendue par la lumière traduite en couleurs intenses et la familiarité au lieu par la présence toute proche du cheval et par celle, plus intime encore, du chat pelotonné sous le tabouret. L’artiste devait aimer la présence des animaux car sur différentes œuvres aperçues par ailleurs, les chevaux sont en phase avec leurs cavaliers.
Le traitement dense de la touche est mesuré, contrôlé, sachant laisser glisser la lumière sur certaines surfaces ou la rendre plus concentrée sur d’autres. La force du geste suffit à l’artiste pour traduire l’intensité ou le calme d’un moment. Cette absence de précision qui pourrait lui être reprochée ne nuit aucunement à la force émanant de ces scènes, des scènes structurées rappelant ces siècles classiques très explicites pour les descriptions d’intérieurs ou de jardins source de plaisir. Ce qui donne à cette figuration libre une liberté qui est et reste celle de la création la plus totale.
(A suivre).

Eléments bibliographiques
- Jean-Luc Chalumeau, – La nouvelle figuration : une histoire de 1953 à nos jours : figuration narrative, jeune peinture, figuration critique. Paris : Éd. Cercle d’Art, 2003. 222 p.
- Michel Ragon, Cinquante ans d’art vivant : chronique vécue de la peinture et de la sculpture, 1950-2000 : abstraction, informel, tachisme, cobra, art brut, nouvelle figuration, nouveau réalisme, lettrisme, École de New York, École de Londres, pop art, op art, cinétisme, etc. Paris : Fayard, 2001. 509 p.
- Sarah Wilson, Figurations ± 68 : le monde visuel de la French theory. Dijon : les Presses du réel, 2018. 287 p.
- Cesare Zavattini, Une idée du Néoréalisme, revue Positif, 2013

