Propos de Christophe Comentale
Le mercredi 20 mars de cette année 2019, le pape François tient, comme chaque mercredi, sa réception générale sur la place qui constitue comme une couche protectrice pour les pèlerins venus du monde entier se confronter aux paroles bienveillantes de leur chef spirituel.
Comme chaque mercredi, le Saint Père reçoit ses fidèles venus du monde entier. La réception est, en amont, une suite de préparatifs assez longs et divers car l’étiquette, même quelque peu simplifiée, reste de rigueur.
En l’occurrence, un dais imposant protège le pape entouré de cardinaux de différentes nationalités : un Français, un Américain, un Espagnol, un Arabe, pour ne citer que quelques-uns de ces hommes d’Eglise, lettrés qui vont prendre la parole et traduire les propos du Saint Père qui s’exprime dans un italien chantant. Nous passons au début de la Voie de la Conciliation qui va du fleuve Tibre à la mystérieuse maison de Dieu, Saint Pierre de Rome. C’est là que notre ami Francesco Buranelli, directeur des musées du Vatican nous remet nos invitations. Nous serons au premier rang, places 8 et 9.
Nous continuons notre chemin dans cette voie où même les fontaines sont toutes sculptées des clés de Saint Pierre, celles qui conduisent au Paradis. Les gardes suisses dont l’uniforme seyant a été dessiné par Michel-Ange nous laissent passer en faisant un signe de tête et en redressant leur hallebarde.
Yang Ermin a apporté une magnifique pierre à encre de la dynastie Qing, pièce qui surprend les agents chargés de contrôler les présents des visiteurs. Nous franchissons ainsi les différents pôles de contrôles et rejoignons nos places devant le dais du pape. Pendant deux bonnes heures, le Saint Père commente des textes saints, ses cardinaux traduisent chacun dans sa langue maternelle.
Le pape effectue un très large tour parmi le public qui vient vers les hôtes de marque pour la cérémonie dite du « baiser à l’anneau ».
Le superbe étui dans lequel est conservée la pierre à encre est ouvert, la couleur mate et sombre de la pierre contraste sur le jaune vif du tissu.
Attiré par cette forme inhabituelle, oblongue, à la fois plane mis comme une lune prolongée d’un quartier sculpté. La discussion s’engage et nous demandons dans le même temps au Saint Père de de se mettre à la calligraphie avec le peintre Yang. Le propos semble plaire, les yeux brillent, le sourire est large. Les cardinaux l’ont rejoint et à leur mine effarée, il explique l’importance de la calligraphie, un voyage dans le signe où toute liberté est permise à travers la passion de faire. Le dialogue continue, agréable, enjoué,…
Cette rencontre Est-Ouest, improbable, renvoie aux grands dialogues mystiques qui émaillent l’histoire de l’Humanité selon les axes des rencontres, même les plus incertaines.
La boîte extérieure est d’un gris foncé, moucheté, deux parties d’une même sorte de coffrage, d’emboîtage où les possibilités d’ouverture sont raisonnables, de l’apparition de cette coque de protection jusqu’à sa pleine disparition pour réaliser la véritable enveloppe de protection, réalisée en bois, lissé, travaillé selon une esthétique de la rigueur, une rigueur qui prend toutes les variantes possibles à l’aune de la Nature. Le poli de la surface du bois, bien souvent verni a posteriori le cède parfois à une patine mate, comme acquise au fil des utilisations dans les collections diverses ou aussi en tenant compte de la présence bienveillante des archivistes. Maîtres des surfaces, les caractères libèrent des secrets, ceux des propriétaires jaloux des pièces, et qui ont jugé important de calligraphier ou faire calligraphier des citations sur l’épisode qui aura pu être lié à cette réalisation.
Le tout apparaît, présenté comme une évidence de l’Histoire ou autant que vont le révéler des allusions parfois restées sans écho. Chaque épisode, même accompagné d’un nom d’ère, ne saura rien y changer. La présente pierre renvoie à la notoriété d’un haut fonctionnaire. Taillée à partir d’un bloc patiemment poli, son quasi dépouillement, ne peut que séduire, c’est-à-dire détourner l’attention si large du Saint Pére vers un objet autant ludique que rituel.
Lorsque nous lui proposons de se mettre à tracer les caractères, la tentation devient forte, formelle autant que sentie.
La patience silencieuse de ce vaste lieu, traversée parfois d’ovations fortes « Pape François » qui disent la foi, l’espoir et la tendresse des fidèles, fait de ce microcosme un lieu de vie intense et unique.
La pierre à encre donnée ce jour va rejoindre le trésor du Vatican où elle va être conservée. Un cardinal, pour remercier de ce geste, offre un chapelet terminé par une croix argentée. Le cycle du bonheur est complet.