Le renouveau de la peinture contemporaine au pigment de Dunhuang          

Huang Liuwen, Naissance (2016) couleurs minérales sur papier, 150 × 120 cm.             黄留芳 出生 纸本、矿物色。

Compte-rendu d’exposition

Centre multiculturel OMDP de Lodève du 1er au 29 septembre 2017

par Christophe Comentale

▀ Quarante-quatre œuvres peintes au pigment par 18 artistes travaillant à Dunhuang constituent les fleurons de l’exposition Le renouveau de la peinture au pigment de Dunhuang. Les oeuvres occupent quelque 800 m2 répartis sur les trois niveaux de cette église, un bâtiment construit en 1863, qui a conservé différents éléments peints à fresque. Le bâtiment, a été restauré et mis aux normes permettant la tenue d’expositions répondant aux demandes internationales. Il a, par ailleurs, conservé quelques éléments peints à fresque au XIXe siècle, cette heureuse coïncidence montre l’importance d’une technique extrêmement connue et populaire Est-Ouest.

Les œuvres exposées aux cimaises sont très souvent de formats importants (quelques polyptyques) jamais exposées en France ni même en Europe. L’inauguration de cette exposition hors les murs s’est déroulée le 1er septembre.

Des institutionnels et des professionnels de la culture et du patrimoine étaient présents :

Mmes Marie-Christine Bousquet, maire de Lodève, présidente de la Communauté de Région du Lodevois, LOU Jie, Directrice des musées de Dunhuang, Xu Juming, chercheuse à l’institut de Dunhuang, Ivonne Papin-Drastyk, directrice du musée de Lodève (représentée), Tina Huang Hsuan-tzu, doctorante, (codirection de thèse Muséum-Dunhuang), commissaire exécutive de l’exposition, MM HOU Liming, Directeur du département de peinture au pigment à Dunhuang et commissaire scientifique chinois de l’exposition, Denis Duclos, directeur de la Direction des affaires européennes et internationales au Muséum, Jean-Marc Savier, directeur de la Savonnerie (Manufacture nationale des Gobelins), Christophe Comentale, commissaire scientifique français de l’exposition, Jean-Christophe Mironneau, directeur général et Didier Scuderoni, directeur de la programmation des expositions de l’établissement et commissaire exécutif adjoint, HAN Weimeng, chercheur et artiste à Dunhuang…

▀  La journée d’étude de ce 1er septembre relative également à l’importance de la peinture au pigment à Dunhuang a réuni cinq chercheurs, et en l’occurrence, peintres-fresquistes de l’institut de Dunhuang (Mmes LOU, XU, HUANG et MM HOU, HAN) et deux chercheurs du Muséum (Cardenas-Castro [le texte de cette intervention sera publié  par ailleurs], Comentale), elle a permis de mettre en lumière deux thèmes forts :

● Les enseignants fresquistes en poste à l’institut de Dunhuang sont, d’une part, des spécialistes de l’archéologie environnementale de cette région, leur activité de copiste va de pair avec leur fonction pédagogique et technique. Lorsqu’ils acceptent de venir en poste à cet institut de recherches, ils savent que la copie des originaux va être le cœur de leur activité. Ils ont d’autre part une deuxième spécialité en liaison avec la conservation, la protection et la mise en valeur de ce site, ce qui renvoie à la formation initiale du fondateur de cet institut, le peintre CHANG Shuhong (1905-1994), qui a vécu en France durant les années 30.  Ils sont, certes, entourés de collègues de différentes disciplines scientifiques et travaillent en concertation étroite avec les autorités gouvernementales à la tête du Patrimoine de Chine.

▀  L’intérêt de cette exposition réside en la nouveauté du médium utilisé, le pigment, et aussi en la variété des thèmes qui apparaissent au fil de la connaissance de cette peinture.

● Les paysages de HOU Liming 侯黎明 sont souvent de dimensions importantes (La lune à Mogao (2015), 116 x 165 cm ; Tempête de neige dans la ville de Suoyang (2011), 344,8 x 159 cm, Les grottes de Yulin, roche plaine (2010), 159 x 123 cm,…). Les saisons rythment ces œuvres empreintes de grandeur, de magie, des sensations nourries par une observation minutieuse développée, densifiée au fil du temps, des années de vie, de familiarité avec ces séquences de l’environnement quotidien. Elles sont résolument contemporaines, le regard se pose sur des surfaces mobiles, changeantes qui renvoient aux grands maîtres de la peinture de paysage comme Fan Kuan

● Yue Yang 岳阳 produit, quant à lui des petits formats. Réalisées sur un papier de lin, les effets de matières sont plus directs, de même que sa palette appelle une polychromie parfois au seuil de l’hyperréalisme alors qu’il s’avère en fait un architecte du réel. Né dans la province de Liaoning, il est diplômé, en 2006, de l’atelier n°1 du département de peinture murale de l’Académie Centrale des Beaux-Arts.

● Xu Mingjun 徐铭君 est née dans la province du Henan. De 2008 à 2011, elle enseigne la peinture de roches et pierres au sein du département des arts décoratifs de l’Académie des Beaux-Arts de Guangzhou. En poste à Dunhuang depuis 2012, sa recherche est une observation et un travail de copie des fresques de Dunhuang. Malgré cela dans une œuvre comme Fin de l’hibernation des insectes (2008), 200 x 90 cm, elle se représente, attentive, concentrée face à un changement de saison qui se manifeste par des bruits autres, un air devenu différent alors qu’elle est dans son atelier dont elle nous laisse pénétrer l’atmosphère si particulière avec ses nombreuses couleurs contenues dans tant de pots divers. Elle redonne une vitalité et une élégance toutes particulières au thème de l’autoportrait que différents artistes aiment utiliser, notamment Su Xinping, qui les démultiplie à l’huile. On est aux antipodes de cette actualisation de l’humain avec les œuvres de Li Bingling.

● Li Bingling 李冰凌 née en 1982, à Harbin, dans la province du Heilongjiang. De 2014 à 2015, elle est étudiante à l’Université des Arts de Tokyo. Elle travaille depuis 2005 dans l’Institut des Beaux-Arts de l’Académie de recherche de Dunhuang où elle est bibliothécaire. Ses personnages sont autant des populations locales (Lointain (2007), 98 x 129 cm) que des réminiscences des atmosphères du répertoire du théâtre traditionnel avec Le pavillon des pivoines (2011), 157 x 257 cm. Toutes ces œuvres ont en commun une approche fugace de l’instant, figé ou déjà perdu dans la finesse que le matériau exsude.

● Wang Xueli 王学丽 naît en 1979 dans le district de Dingbian, dans la province du Shanxi. Elle obtient en 2012, son diplôme à l’atelier de recherches en art mural chinois au département de peinture chinoise de l’Académie de Beaux-Arts de Guangzhou. Elle est actuellement chercheuse-adjointe à l’Institut des Beaux-Arts de Dunhuang.

Elle s’attaque à l’objet, devenu centre de l’œuvre et de sa création. Sa série de Bols de verre (2008), 110 x 150 cm, reflète des préoccupations très contemporaines face à l’objet devenu le quotidien qui fait face à tout un chacun, les divinités du panthéon bouddhique sont devenus une approche autre mais leur trace est sensible dans certains reflets chromatiques qui disent l’emploi de l’or, de l’argent, tout à fait essentiels à des nuances séduisantes et qui se combinent aux traces complexes des murs ou d’espaces infinis.

● Lou Jie 娄婕 est née en 1961 à Pékin. Diplômée en 1983 du département de peinture à l’huile de l’Académie des Beaux-Arts de Xi’an elle est de 1994 à 1996 chercheuse invitée dans la section de peinture du département des beaux-arts de l’Université des Arts de Tokyo. Elle est maintenant hercheuse à l’Institut des Beaux-Arts de l’Académie de recherche de Dunhuang. Son approche résolument abstraite montre l’importance du signe, de la trace qui disent un périple, une présence, comme dans Vœu (2008), 181 x 182 cm, réalisée en technique mixte afin de conférer une ambiguïté, celle du temps qui passe, celle de la matière qui s’efface…

Il convient encore de mentionner les œuvres  de Ma Qiang, 马强, Zhao Junrong 赵俊荣, Gao Peng 高鹏, Guan Jinwen 关晋文, Ji Lin 李林, Shen Shuping 沈淑萍, Lei Lei 雷蕾, Han Weimeng 韩卫盟, Fan Lijuan 范丽娟, Peng Wenjia彭文佳, des artistes qui apprécient autant les paysages de calme intense de ces étendues denses ou mettent en scène des personnages souvent improbables. Les plus surprenants sont ceux de Hang Liufang黄留芳 dans Naissance (2016) où l’artiste montre bien une certaine universalité de la spiritualité qui entoure ces images confiées à la fresque. Des images qui reflètent la force de ces grottes où le bouddhisme s’est enrichi de notions syncrétiques permettant à l’homme du XXIe siècle de nourrir autrement son imaginaire et de faire partager son approche très personnelle à un large public, fût-il occidental.

Catalogue

La peinture au pigment contemporaine à Dunhuang 敦煌岩彩.                                        Beijing : Xinhuo xiangzhuan wenhua yishu, 2017.116 p. ill. en coul.                                      Texte bilingue français-chinois.

沙漠画师的苏醒:探索敦煌当代岩彩画

戈壁中的绿洲,丝绸之路的节点,这是被联合国教科文组织列入世界遗产名录的敦煌。法国东方学家保罗·伯希和 (Paul Pelliot, 1878-1945) 的手稿让我们将这座城市与佛教艺术紧密相联。十个多世纪以来敦煌累积的历史文化遗产不停地吸引着全世界各地的研究学者。此次展览由敦煌研究院和法国国家自然历史博物馆(Muséum national d’histoire naturelle) 共同组织策划,展览地点为法国宫殿艺术中心(OMDP),展出时间为2017年9月 1 日至 9 月 30 日。此次展览旨在凸显中国的当代艺术创作,展现考古研究中各国学者的合作成果。

兼具宗教价值和历史意义的佛教石窟

敦煌石窟是艺术作品最为丰富、保存最为完好的汉传佛教艺术圣地,极具地方特色,享誉世界。石窟艺术包含了建筑、绘画、版画、雕刻等多种不同的表现形式。完成敦煌石窟艺术创作的艺术家们实际上是将供养人的构思付诸实践的职业创作人。不同时期不同艺术家的作品风格也有所不同。他们吸取了国外的艺术表现技巧,与中部汉族和西部少数民族的传统技巧相结合。除了本身的艺术价值,敦煌石窟还对研究中国历史以及与中国频繁往来的周边国家的历史有着特殊价值。揭开石窟中彩塑的神秘面纱时我们会发现,这些半身像描绘的是跟随亚历山大大帝出征中亚的希腊人的后代。

敦煌石窟位于今中国北部甘肃省,开凿于公元四世纪。但在西罗马帝国时期,齐人和魏人皈依佛门,史无前例地确立了佛教艺术的正统地位。从此,佛教艺术为世代王权所庇护。于是,敦煌不仅对沙漠商队开放,成为交易中心,同时也汇集了极具差异的多种宗教团体,包括喇嘛教、禅宗佛教、摩尼教、景教和古波斯琐罗亚斯德教。自东向西,敦煌石窟主要由莫高窟、榆林窟、千佛洞组成。尽管历史兴衰变迁,敦煌石窟遭受了人为抢掠和风沙侵蚀,但至今仍保留有山洞和岩穴 492 个,共存留有壁画 45000 多平方米,彩塑像 2000 余身。敦煌是汉武帝设立的河西四郡之一,同时也是繁盛的边疆城市和东西方交流的十字路口。其中 323 窟描绘的就是张骞出使西域的著名场景,表现了天朝与蛮族的往来。因此,敦煌既是交通枢纽,又是战略要地。直到20世纪初,敦煌石窟才被欧洲人发现。在那个被彼得·霍普柯克 (Peter Hopkirk) 称作“大博弈”(Great game) 的时代,为了这片广博的中亚大地,《丝绸之路上的菩萨和来客》(Bouddhas et rôdeurs sur la route de la soie) 的作者毕基埃(Philippe Picquier, 1998) 与俄国人谢尔盖·奥尔登伯格 (Sergey Oldenburg, 1863-1934),英国人奥莱尔·斯坦因(Aurel Stein, 1862-1943),德国人阿尔伯特·冯·勒柯克(Albert Van Le Coq, 1860-1930),日本人大谷光瑞 (Kōzui Ōtani, 1876-1948) 以及保罗·伯希和相互较劲。其中,伯希和将无数手稿带回法国,藏于吉美博物馆 (Musée National des Arts Asiatiques-Guimet)。这些敦煌笔记对于理解中国古代历史起着至关重要的作用

随着布尔什维克革命的爆发和沙皇军队的落败,一些俄国白人逃到敦煌,瞬间唤醒了这一沉睡千年的沙漠绿洲。抗日战争时期,敦煌再一次成为了艺术家们的藏身之地。比如张大千 (1899-1983) 就在这里生活过几年,期间临摹了许多精美的青金石和翡翠装饰的飞天。如今,我们还可以在敦煌石窟中找到近百个这样的飞天,它们围绕在庄严的佛像周围,有时还与道教神兽形象相互应和。但是,真正将敦煌视作绘画和艺术创作圣地,开始敦煌石窟保护和研究工作的人是常书鸿(1904-1994)。这位曾于 20 年代在法留学的中国画家,带着妻儿重新回到中国,并就此为敦煌石窟的新生付出了自己的一生。他的女儿常沙娜(1935)也为敦煌艺术付出了毕生心血。她提出了一种新的研究方法,兼顾整体上的文物盘点和细节上的艺术研究。同时,她也受到敦煌壁画自由形式的影响和画作主题的启发,创作了许多极具个人特色的绘画作品。

常书鸿去世后,常沙娜继承了父亲衣钵,在担任中央工艺美院院长同时,她培养了一批高水准学生进行临摹,因为当时,临摹是研究壁画的主要方法。她多次组织这些学生赴敦煌临摹,透过文字和图片文献资料了解敦煌图案,揭开敦煌壁画特殊颜料的神秘面纱。敦煌石窟的临摹者多毕业于中国的美术院校。从此,整整四代艺术工作者为敦煌艺术付诸毕生心血。2016 年春天,一次有关敦煌壁画现代性的国际研讨会在敦煌研究院召开。此次研讨会汇集了画家、临摹艺术家、艺术评论家以及中外学者。对于或多或少经历过文革(1966-1976)的老一辈艺术家来说,毛主义规定的新审美标准,以及在这一敏感地区与蒙族和维族共同生活的体验都在他们的作品中有所体现。另外,体现繁荣朝代的历史场景,比如反映唐朝(618-907)社会的 220 窟、254 窟、290 窟、428 窟等往往保存完好。汉文明中的这股东方学的潮流代表着一种对多样性的包容,沙漠独特而残酷的不朽在敦煌石窟这道风景线中熠熠生辉。

在敦煌石窟的生活和工作中,众多艺术家进行了个人艺术创作,发展了自己的创作理念。其中包括高鹏、韩卫盟、李林、娄婕、马强、沈淑萍、王学丽、侯黎明。刚刚度过六十岁生日的侯黎明是典型的受益于八十年代国家开放的艺术家。他出生于大连(中国东北部与朝鲜半岛隔海相望的城市),1989 年入日本东京艺术大学美术学部深造,其艺术技巧中形成了一种极强的折衷主义,为敦煌艺术前辈们所首肯。更为惊人的是艺术家们通过载体选择而实现的绘画语言本身的杂糅。在这些大中型画布上,艺术家们运用水墨画技巧,借助岩彩创作出独树一帜的作品,让我们想起了泰奥多尔兄弟 (Théodore Frère) 及同时期艺术家们描绘的中东地区黄昏时分的宁静,以及尤金·弗罗芒坦 (Eugène Fromentin, 1820-1876) 和弗雷德里克·雷明顿 (Frédéric Remington, 1861-1909)作品中美国西部史诗般的美。可以肯定的是,现任敦煌研究院院长王旭东正尽力为这些当代艺术家的创作提供良好条件,也尽力为敦煌的博物馆能更好地迎接中外艺术家而作出努力。借着这扇对外打开的艺术之窗,王旭东重视“为汉学和博物馆学领域重要的东方研究机构的学生提供实习和访问”。在中国这样一个幅员辽阔的国家,平均每一天就有一所博物馆落成,政府还确立于 2020 年达到每年举办 30000 场展览的目标,王旭东的提议并非空谈。它代表了一种对文化的真实渴望,它召唤敦煌重新跻身文化艺术重镇的行列。

柯孟德                                                                                                                                         法国国家自然史博物馆主任研究员

Traduction de l’article paru dans le catalogue de l’exposition :                                 Comentale, Christophe, Le renouveau des peintres surgis du désert : à la découverte de la peinture au pigment contemporaine de Dunhuang, pp. 14-17.

HOU Liming, La lune à Mogao (2015) Papier, couleurs minérales, 116 x 165 cm. 侯黎明 莫高晓月 纸本、矿物色

 

XU Mingjun, Fin de l’hibernation des insectes (2008) Papier de lin, couleurs minérales, 90 x 200 cm.         徐铭君 惊蛰日志 麻纸,矿物颜料

 

 

YUE Yang, Voyager à l’ouest – grottes de Mogao II (2016) Papier de lin, couleurs minérales, 60 × 70 cm. 岳阳 西行散记——莫高窟之二 麻纸,矿物颜料

 

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