L’arc-en-ciel de Salvatore Gregorietti ; trad. de l’italien par Emmanuelle Tornero. (coll. Périscope). 20 p. cartonnées. Paris : les grandes personnes, 2025. Imprimé en Chine sur papier FSC.
par Christophe Comentale
Une approche bien rôdée sur les couleurs pour ce livre réservé aux bambins âgés d’au moins trois années d’existence. Le thème de l’arc en ciel tout en demi-cercles, des demi-cercles qui, en l’occurrence, sont tous dépendants de la boîte grise qui revient au coin inférieur droit de chaque page. En opposition complète à ce gris fade, ’un côté noir qui ingère ou digère l’arc en ciel…Le tout sur ces pages imprimées sur un carton assez épais, plutôt curieux au toucher.
Pour ce livre imprimé en Chine, — encore un ! — l’éditeur a mis en avant la qualité du papier FSC. Juste trois lettres. Histoire de savoir où l’on met les pieds et les mains en achetant ce volume pour enfants, force est d’en savoir un peu plus sur ce circuit long qui aboutit à la production d’un livre. Donc, la Chine, pays honni par l’Occident devient, en l’occurrence, aussi vertueux que les autres, car, comme on le verra plus bas, il utilise des papiers aussi vertueux que les technocrates constituant les ONG ! Même si, après lecture, il semble que les membres de FSC gravitent dans le sillage des administrations et organismes en lien direct avec la démocratie américaine. C’est plutôt positif et donc, il faut encourager les initiatives de ce type, universalistes et morales.
UN NOUVEAU CONTEXTE MONDIAL.
La mondialisation et le papier vont-ils de pair ?
Dans un des nombreux textes mis en ligne par le FSC, il est fait assez magistralement, état d’une nouvelle présence du papier : « la consommation mondiale de papier continue d’augmenter. Bien que le papier soit à la fois biodégradable et facilement recyclable, il peut également être le produit de la déforestation ou de mauvaises pratiques forestières s’il ne provient pas de sources responsables.
Malgré la baisse de la consommation de papier et d’imprimés par la numérisation de nos sociétés, nous continuons à en consommer quotidiennement : que ce soit du papier pour les impressions, des journaux et magazines, des enveloppes, des étiquettes, ou encore des mouchoirs ou du papier toilette, le papier est une commodité dont nous ne sommes pas prêts à nous passer ». Au moins, c’est clair, le papier ne sert pas franchement à la production de livres puisque la société sous-jacente est numérisée !
Pourquoi est-il indispensable de procéder ainsi ?
« Grâce — nous dit-on encore — à une gestion responsable des forêts et des ressources forestières, le système FSC (Forest Stewardship Council) [ou Conseil de gestion des forêts] contribue à la création de chaînes d’approvisionnement fiables, et permet aux secteurs du papier et de l’impression de démontrer leur engagement en faveur d’une sylviculture responsable, mais aussi de réduire la pression sur les forêts à travers l’utilisation de papier certifié FSC recyclé. Plusieurs certifications mutualisées d’imprimeurs permettent un accès facilité et à moindre coût à la certification de chaîne de contrôle FSC. De plus, le papier certifié FSC est désormais disponible sur pratiquement tous les marchés. Les papiers et cartons certifiés FSC sont largement disponibles et la plupart d’entre eux portent des mentions FSC Mixte ou FSC Recyclé.
Les produits FSC Mixte peuvent contenir un mélange de fibres vierges et recyclées et peuvent également inclure des quantités limitées de bois contrôlé, qui a été évalué pour éviter les sources indésirables. Les produits FSC Recyclé sont fabriqués en totalité à partir de matériaux dont l’origine recyclée a été vérifiée.
Le bois ou la fibre d’un produit FSC Mixte est un mélange de tout ou partie des éléments suivants :
Bois vierge ou fibre vierge provenant d’une forêt certifiée FSC ;
Bois recyclé ou fibre recyclée ;
Bois vierge ou fibre vierge provenant d’autres sources contrôlées — voir Bois contrôlé FSC »
Toujours est-il qu’après lecture de ces propos, on souhaite savoir qui dirige cet organisme régulateur des impressions de documents et qui le dirige !
LE FOREST STEWARDSHIP COUNCIL
Le Forest Stewardship Council [ou Conseil de gestion des forêts] est une organisation mondiale vouée à la promotion de la gestion responsable des forêts à travers le monde. Avec plus de 30 ans d’expérience dans la gestion responsable des forêts, FSC utilise son expertise pour promouvoir ses actions à l’international, en réunissant des experts des sphères environnementales, sociales et économiques.
Pionniers de la certification forestière responsable
Préoccupé par l’accélération de la déforestation, de la dégradation de l’environnement et de l’exclusion sociale, un groupe d’utilisateurs de bois, de commerçants, de représentants d’ONG environnementales et de droits sociaux se sont rencontrés en Californie en 1990.
Le concept de l’organisation et son nom ont été inventé lors de cette première rencontre. Deux ans plus tard a eu lieu la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement, aussi connue sous le nom de Sommet de la Terre, à Rio de Janeiro en 1992. Devenu une référence historique dans la prise en compte des enjeux du développement durable dans la lutte contre le changement climatique, cet événement n’a cependant produit aucun engagement juridiquement contraignant sur la gestion des forêts. Il a cependant fait émerger l’Agenda 21, un plan d’action écologique pour le XXIème siècle, ainsi que les premiers principes forestiers.
Pour de nombreuses organisations non gouvernementales, ce Sommet a constitué une opportunité d’échanges pour recueillir le soutien nécessaire à la mise en œuvre de l’idée novatrice d’un schéma de certification forestière international et indépendant.
Après des consultations intensives dans dix pays pour soutenir ce projet, l’Assemblée fondatrice de FSC a eu lieu à Toronto, au Canada en 1993. Le premier Secrétariat FSC se trouvait à Oaxaca, au Mexique et FSC a été créé en tant qu’entité juridique au Mexique en février 1994. Le Secrétariat de FSC International a depuis été transféré à Bonn, en Allemagne, en 2003.
Depuis sa création, FSC n’a cessé de se développer. Le nombre de certificats de « gestion forestière » et de « chaîne de contrôle » délivrés et de marques et distributeurs engagés ont augmenté de façon exponentielle.
QUI EST A LA TETE DE FSC ?
Subhra Bhattacharjee a plus de 20 ans d’expérience dans le domaine des politiques publiques et de la programmation en matière de changement climatique et de développement durable. Elle a travaillé en étroite collaboration avec des gouvernements, des ONG, des universités et le secteur privé dans le monde entier. Après avoir travaillé pour la banque centrale indienne (Reserve Bank of India) et fait un bref passage dans le milieu universitaire, elle a rejoint les Nations Unies.
Subhra Bhattacharjee est titulaire d’une maîtrise de philosophie en économie de l’université Jawaharlal Nehru et d’un doctorat en économie de l’université d’État de l’Iowa.
Stuart Valintine, Président du Conseil d’administration de FSC International, a déclaré, « L’expertise de Subhra Bhattacharjee et son expérience dans le domaine du développement international et du leadership lui seront très utiles à cette étape critique de la croissance organisationnelle de FSC ».
La vision ambitieuse de Subhra Bhattacharjee est en adéquation avec la mission et les futurs objectifs de FSC, qui souhaite s’appuyer sur ses membres, son réseau et ses partenariats pour renforcer la gestion responsable des forêts à l’échelle mondiale afin de les protéger et de les gérer durablement.
Subhra Bhattacharjee a commenté sa nomination en expliquant : « C’est un honneur et un privilège de rejoindre FSC en tant que nouvelle Directrice générale. Nous devons agir de toute urgence pour atténuer les crises mondiales du climat et de la biodiversité, et pour cela il est essentiel de préserver, de restaurer et d’utiliser de manière durable les forêts tout en respectant les communautés qui en dépendent. Dans ce contexte, la mission et le rôle de FSC sont plus importants que jamais. Je me réjouis de travailler avec l’ensemble de la communauté et des partenaires de FSC pour maximiser la contribution des forêts au développement durable ».
Elle succède à Kim Carstensen, Directeur général sortant de FSC International, qui a déclaré : « Guidé par sa vision mondiale consistant à répondre aux besoins mondiaux en produits forestiers tout en protégeant les forêts, FSC a grandement contribué à l’avenir de la planète au cours des 12 dernières années, et j’adresse à Subhra Bhattacharjee tous mes vœux de succès dans ce rôle essentiel. Son expertise et sa vision correspondent exactement à ce dont FSC a besoin pour continuer à répondre à certains des défis les plus pressants de notre époque ».
La nomination de Subhra Bhattacharjee ouvre de nouvelles perspectives et insuffle de l’énergie à l’organisation, écrivant un nouveau chapitre de la mission de FSC pour promouvoir la gestion responsable des forêts de la planète et assurer leur résilience à long terme.
AU FAIT, L’ARC EN CIEL ?
On l’a vu plus haut, les bambins de trois ans comme les adultes épris de papiers recyclés provenant des forêts gérées par des technocrates vertueux et dotés d’un pouvoir politique infaillible auront ainsi grâce à ce carton recyclé une première approche à la polychromie. Le livre se veut ludique.
Né en Sicile en 1941, Salvatore Gregorietti est issu d’une famille amatrice d’art. Petit-fils d’un peintre de la liberté, son père est directeur du prestigieux Museo Poldi Pezzoli de Milan. En 1958, après avoir obtenu son diplôme de la Haute école des arts de Brera, il s’installe à Zurich et s’inscrit à la Kunstgewerbeschule (école des arts et métiers). Maître important du graphisme italien, il s’est consacré à des projets marqués par une clarté visuelle et une cohérence structurelle qui sont devenus une contribution tangible à notre culture collective.Deux ans après, il retourne en Italie et est engagé par Massimo Vignelli comme assistant. Au cours de cette période, il a collaboré à de nombreux projets conçus pour des clients de premier plan tels que Piccolo Teatro, Pirelli et Sansoni et a également réalisé des travaux pour ses propres clients, notamment Milano Libri, le magazine Linus et les livres Peanuts.
En 1965, il rejoint Unimark International, la première entreprise internationale de design graphique fondée par Massimo Vignelli, Bob Noorda et quatre partenaires américains. Gregorietti a travaillé chez Unimark Milan en partenariat avec Bob Noorda, en se concentrant sur l’identité d’entreprise et le design éditorial.
Du milieu des années 1960 à la fin des années 1980, il a servi des clients majeurs en concevant les logotypes d’Agip et Pirelli, les programmes d’identité coordonnés de Confindustria, de l’Institut bancaire San Paolo, de la Biennale de Venise (1968-1972) et des graphiques d’entreprise pour Cassina, La Rinascente et bien d’autres. Il a également été directeur artistique de Prénatal et consultant en design pour Benetton pendant plus ou moins vingt ans, prenant en charge l’ensemble du graphisme publicitaire, des catalogues, des rapports, et coordonnant le bureau graphique de Fabrica, le centre de recherche en communication de Benetton.
De 1967 à 1988, il a conçu Ottagono, un beau magazine d’architecture et de design pour lequel il a reçu un Compasso d’Oro en 1979. En 1970-71, il a conçu Ubu, un célèbre magazine de culture alternative italienne, tandis que de 1973 à 1992, il a conçu le magazine Casa Vogue. Il a également conçu Le Capital, Carnet, Corto Maltese et de nombreux autres périodiques.
De la fin des années 1970 aux années 1990, il a conçu de nombreuses séries de livres, couvertures et graphiques d’entreprise pour Bompiani, Cepim, Emme Edizioni, Longanesi, Sansoni, Sylvestre Bonnard et d’autres éditeurs italiens de premier plan, dont Feltrinelli pour lequel en 1981-82, il a complètement redessiné toute la série de livres selon le graphisme coordonné conçu avec Bob Noorda. Il a également travaillé dans les domaines de la conception de produits, de meubles et de transports, dessinant des luminaires, de la vaisselle, des chaises, des voiliers et l’emblématique Coppa del Nonno, l’une des glaces italiennes les plus connues.
De 1980 à 1986, il a enseigné à l’Académie des Beaux-Arts de Carrare et a également donné des cours à l’IED – Istituto Europeo di Design (Institut européen de design). Son travail a reçu d’importantes reconnaissances de l’ADC (Art Directors Club) et de l’ADI – Associazione Disegno Industriale (Association du design industriel), y compris le prix Compasso d’Oro en 1979. Il a également publié un livre majeur sur les écrits intitulé « La forma della scrittura » (Feltrinelli, 1988).
Ainsi le rigoureux arcobaleno, qui renaît ici sous le nom de l’arc-en-ciel, est son unique livre pour la jeunesse. Publié pour la première fois en 1974 par la maison d’édition Emme Edizioni, cet arc-en-ciel rejaillit enfin de sa boîte. Courageuse approche que celle de ce designer obligé de faire simple pour de très jeunes enfants…
Les grandes personnes reste un éditeur original et courageux face à ce type de production atypique…