par Christophe Comentale et Emmanuel Lincot
Etienne Viard, né en France en 1954, vit et oeuvre entre Paris et Venasque en Vaucluse. Autodidacte, il s’intéresse d’abord à la céramique, puis, se consacre à la sculpture, travaillant notamment l’acier Corten.
Cet acier auto-patiné à corrosion superficielle forcée est utilisé pour son aspect et sa résistance aux conditions atmosphériques, dans l’architecture, la construction et l’art principalement en sculpture d’extérieur. Depuis plusieurs décennies, la sculpture européenne, Outre-manche en particulier, a redonné le goût de jardins autres, lieux où les artistes se réapproprient le paysage, naturel, urbain ou domestique, suscitant ainsi autant de prétextes aux recherches de formes aussi diverses que fécondes.
Parmi les sculpteurs influencés par cette conception de l’élément-paysage, bon nombre, et parmi les plus renommés, ont utilisé ce matériau pour leur création, l’Américain Richard Serra, les Français Bernar Venet et Philippe Desloubières, l’Espagnol Eduardo Chillida, le Français Etienne Viard, et le Franco-Mexicain Jorge Dubon. L‘aspect corrodé met en situation la pièce au sein d’un environnement naturel ou en site couvert.
Ces œuvres, des installations à part entière, prennent possession de chaque espace par la force de la matière et les interactions de la lumière au fil du temps qui passe et des intempéries qui la bousculent ; elles deviennent alors des éléments autres de l’environnement, des éléments d’un rituel autre ou de totems inexplicables d’ethnies disparues.
Le matériau brut est traité de manière rugueuse, polie, totale, remettant en question le principe de la matière sacralisée comme œuvre d’art. Aucune contradiction ne justifie a priori le positionnement pour l’intérieur ou l’extérieur d’un lieu, d’un espace. Les pièces sont la synthèse de questionnements, de méditations intérieures qui s’achèvent par la domination souple d’une matière devenue ductile, flexible, calme, intemporelle, en dépit de son caractère monolithique. Les sculptures redéfinissent le lieu qui les accueille et au sein duquel elles vont se métamorphoser en pièce propitiatoire.
Sculpteur épris de monumentalités naturelles comme de la présence de pièces qui apportent leur chaleur dans l’espace domestique, Etienne Viard est aussi un dessinateur, ce que révèlent ses dessins, comme aussi des découpages, des maquettes en préalable à l’œuvre. L’acier en barre ou en feuilles épaisses est découpé puis modelé, puis plié à froid. Les lignes verticales dominent, fortes et souples, évoquant le végétal, des roseaux surgis de périodes géologiques disparues ou des plantes de marécages évocatrices de disparités entre terre et eau. Elles laissent s’insinuer la lumière qui rythme et souligne les volumes, ouvrant l’espace vers l’horizontale.
Les sculptures d’Etienne Viard sont ligne : ligne fragmentée, étirée, courbe, allongée ou droite reposant sur un équilibre fragile. Largement inspiré des formes et ondulations végétales et minérales, Viard s’emploie à poursuivre le travail du mouvement qui se caractérise par une mise sous tension précaire et perpétuelle.
Il a à son actif nombre d’expositions personnelles et collectives en Europe, au Canada, aux Etats-Unis. Ses œuvres graphiques et sa sculpture feront dès l’automne 2018 l’objet de participations dans des musées asiatiques : Musée national de la conservation des fresques de Dunhuang, jalon sur les Routes de la Soie, pour « Du livre d’archéologie au livre d’artiste Est – Ouest » et musée d’art moderne et contemporain de Taoyuan (Taiwan) pour la Foire internationale d’art contemporain.
Une occasion de se confronter à un réel autre, à des environnements aux portées déroutantes que cet Héphaïstos du XXIe s. va apprendre à connaître et au voisinage desquels son imaginaire va s’enrichir des impressions et lumières d’une nature parcourue de divinités imperceptibles.
Renvois bibliographiques et sites
Dominique Païni, Alin Avila, Étienne Viard : sculptures d’acier. Paris : Galerie Berthet-Aittouares, s.d..
Laurent Boudier, Étienne Viard : sculptures. Paris : Galerie Berthet-Aittouares, s.d.
La sculpture « à l’anglaise », n° spécial Artstudio (automne 1988), 10. 131 p. : ill.