« PAYSAGE »

par Irène Faivre

Immobile, devant un paysage, l’invitation au voyage commence. Je me retrouve enveloppée et la quiétude s’empare de moi. Je m’abandonne à des pensées vagues et rêveuses. Dans ce calme, le silence m’enlace et devient un formidable miroir. Cette vision sous mes yeux, comme un réflecteur m’amène au plus profond de moi-même. Il m’entraîne et me livre les cicatrices de mon enfance. Au cœur de ce cahot intérieur se cachait le Joyau, ma Qualité, ma Lumière. Quoique ces cicatrices restent indélébiles, faisant toujours partie de ma personne (sans pour autant me dominer !), elles ne régissent plus ma vie et au fil du temps, elles sont même devenues une force.

Une force de création, une force pour traduire l’invisible.

Tout ceci a pris naissance au détour d’une rencontre déterminante, où j’ai pu accéder à la création, en l’occurrence ma rencontre avec une personne remarquable, Véra Székély qui fut pour moi comme un don du ciel et un immense bonheur.


Enracinement (2018), acrylique, 28,4 x 38,71 cm « Ce sous bois  avec ses parties ombragées est baigné de lumière. En le peignant, j’ai pu y vivre des passages sombres de ma vie et les voir se transformer en Lumière. »


A présent quand je me mets devant un paysage (ou quand je rentre dans mon atelier qui est aussi imbriqué dans le paysage), je ne peux que faire ressortir la beauté lumineuse qui se dissimule derrière toutes formes terrestres. Ainsi vais-je vous emmener dans le survol de mes dialogues d’art. Ce qui me happe quand je regarde un paysage, par exemple, est ce qui si cache au delà. Ce que l’œil ne peut voir. A partir de maintenant, je vais vous expliquer succinctement le principe que j’ai mis en place dans mon concept « dialogue d’art vivant intégral évolutif© » ou « dialogue de l’A.V.I.E.©».


Sans titre (1987), huile sur toile marouflée sur bois, 39,5 x 46,5 cm. « J’ai pu explorer et incarner sur cette toile toute la force, la tendresse et la puissance que contient le mot AMOUR. C’est la dernière toile que mon Maître Vera Székély  a vue, et elle  l’a beaucoup aimée. Ce sont également mes premiers dialogues d’Art. »


Lorsque je me trouve devant un paysage, il y a une force annonciatrice ouvrant de nouvelles portes. Je suis alors en dialogue avec elle.

Cette relation de dépendance qui lie une proposition, qui est le paysage que j’ai devant les yeux, pour lier une autre proposition. C’est par le vécu de cette vision, sensation,… que l’échange du visible avec l’invisible se fait. Je deviens ‘transcriptrice’ et à partir de la, le « Dialogue d’Art Vivant Intégral Evolutif ©» est en pleine fonction. J’extériorise à travers la couleur, ce qui m’entraine toujours plus loin dans l’exploration de la Lumière, de la Forme. La transcription par le jeu de textures de lumières et de transparences, donne vie, et donne forme à ma Création. Il ne me reste plus qu’à le matérialiser sur la toile. Je vais incarner ce que je reçois et là comme je le dis souvent je laisse mon âme me conduire et m’enseigner. Je me mets au service de retranscrire le céleste qui se cache derrière chaque chose.

  


Ci-dessus, de gauche à droite. Frisson d’être (2002), acrylique, 81 x 65 cm. « Je me suis trouvée devant un champ de lavande, au pied du  Mont Ventoux, juste avant que la grosse machine ne les avale. Cette beauté, au summum d’elle-même, n’en finissait pas de chuchoter à mon oreille ». Pont d’arc conjugué au passé, présent et futur (2002), acrylique, 81 x 65 cm. « Au détour de ce tableau, il m’a été proposé de vivre les changements de ce lieu tout au long des siècles.Vous y découvrirez les traces du passé, conjugué au présent pour vous laisser  emporter vers le futur. »


Ma création est la représentation du monde intérieur que je mets alors sur la toile. Cette même création qui prend sa source dans l’âme, dans cette vision que l’artiste doit avoir. L’artiste n’est pas qu’un technicien, il ne peut se contenter de reproduire ce qu’il voit sans y mettre son énergie essentielle. Cet échange avec le paysage extérieur, m’a amené à un enrichissement intérieur. Parmi les nombreuses aventures que j’ai pu ainsi vivre, il y en a une qui est en relation directe avec le paysage : « le voyage au centre des couleurs ».

Devant un panorama qui m’invitait à contempler toutes ces formes, ces couleurs, une curieuse expérience c’est installée en moi. Là, face à cette vue, le dialogue (avec une couleur pour commencer) est venu à moi. Je vais essayer succinctement de mettre en mots ce moment.

Imaginer une boule à facette d’une seule couleur, où toutes les différentes nuances et luminosités de cette même couleur sont réunies. Chacune d’entre elle me faisait écho. Dans cette même boule se trouve un principe fondamental de l’humanité avec ses multitudes de nuances.

Tout un chacun et chacune avons en nous d’uniques spécificités. Notre façon et notre perception de lire dans chacune des nuances, n’appartient qu’à nous. Aucune personne ne pourra traduire la même chose que moi, que vous. Cette vibration de l’âme, fait écho tout naturellement à ce que nous avons découvert en nous. Ce souffle spirituel me fait grandir chaque jour. Il ne peut se partager car il concerne ce qu’il y a de plus intime, de plus personnel de notre être.

Alors ce dialogue dépasse le cadre des sensations. Un besoin intérieur est là, une obligation de retranscrire cette lumière, ce joyau pour l’incarner sur terre. En d’autre mot, elle m’a appris à me laisser guider par l’invisible au lieu de subordonner mon projet artistique à une réflexion préalable. Ainsi, je fais jaillir cet invisible, alors que je suis poussée par une force issue du plus profond de mon être, sans que je ne puisse, ni ne veuille la nommer. Ce qui compte en revanche, c’est de la respirer, de la vivre, de me livrer à elle, de me ‘’laisser prendre par la main’’ et avancer sans réfléchir, me contentant de traduire ce dont elle est porteuse…. Je suis tout simplement traductrice.

Quand je me mets à peindre, je la comparerai à une femme qui porte son enfant. Moi, je porte ce qui va naitre sur la toile. Le support, les couleurs viennent, en l’absence de barrières, sans savoir ce qui va s’animer sur le tableau. Les formes, les teintes qui vont se mettre en place s’ordonnent entre elles. Je leur donne vie, mais je ne leur donne point mes propres conceptions. Car ces formes, ces teintes, ont leurs propres pensées. Je les accueille dans mon corps car elles habitent un autre Univers que j’aime fréquenter.

      


Ci-dessus, de gauche à droite. Chrysalide (2019), acrylique, 60 x 40 cm « Cette toile m’a permis de vivre mon nouveau corps. Cette perpétuelle mutation qui m’offre sa force ». voyage 1(2019), acrylique, 60 x 40 cm « Ce fut effectivement un merveilleux voyage au milieu d’une paix infinie. »


A cet instant, où je sais que tout ce que j’ai senti, humé, subodoré, tout ce que j’ai vécu en moi s’est animé, mon intelligence se met en route au service de ces effluves célestes afin de les restituer et de leur faire prendre vie sur ma toile. L’œuvre achevée, le sens apparaît. Chaque toile réalisée est une expérience unique se renouvelant à chaque création qui survient à travers Moi, mais non de Moi. Car bien qu’elle soit de Moi, elle ne m’appartient pas.

Comme je m’abandonne au mécanisme que je viens de décrire, le support et les couleurs de l’œuvre en gestation se déterminent d’eux-mêmes, ainsi que les lignes, les structures et les formes. Chaque toile constitue une aventure nouvelle, une découverte, une joie, un ravissement, une douceur et une tendresse. Ces moments extraordinairement ordinaires, familiers, génèrent un dialogue quasi charnel avec cette recherche spirituelle. Je suis toujours émerveillée de voir comme tout se met en place : il suffit de donner le champ libre à ces somptueuses énergies immatérielles et de laisser déployer les forces vives qu’elles détiennent pour que celles-ci vibrent, respirent, dansent. Sans   analyser ou affubler de mots : l’ordre des choses se pose et s’impose.

Alors, à la fin de l’œuvre, des mots et un sens peuvent éventuellement suivre : tout est déjà accompli, et l’évidence surgit. Cette libération me conduit naturellement à l’expression picturale, autrement dit à ma création propre, et mon terrain de jeu consiste simplement à rendre visible ce qui ne l’était pas encore. Une telle finalité implique, outre une technique optimum (pour pouvoir l’oublier), une matérialisation effective, qui peut être totalement abstraite et épurée, permettant de figurer l’âme de cet instant unique et spécifique qui est celui de ma création. Ainsi s’instaure un « dialogue avec l’art », au gré duquel j’évolue de manière multidisciplinaire, forte de mon expérience. La lumière est également omniprésente dans mon travail et elle fait l’objet chez moi d’une recherche constante. Pour être encore plus exacte, c’est une véritable relation physique qui m’unit à elle. En effet, l’extériorisation à travers la couleur de ce que je viens de tenter d’expliquer, m’entraîne toujours plus loin dans l’exploration de la lumière et la traduction de sa texture et de sa transparence, lui donnant vie et forme, la matérialisant dans ces instants d’intenses connections.

Aujourd’hui, je crée pour atteindre l’essentiel de l’Art, celui qui balaye les conventions, les généralités et tout ce qui masque la réalité. Je peins pour inviter les hommes à se relier à leur univers spirituel. Et enfin je peins pour qu’apparaissent, sur la toile sous ma main liée au Ciel, le Passé, le Présent et le Futur absolu de l’Humanité.

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