par Christophe Comentale
Le statut de l’artiste chinois est et reste particulier au fil des dynasties. En tout premier lieu, la technique doit être maîtrisée à un degré tel que l’artiste doit s’être complètement libéré de toute contrainte gestuelle. Alors seulement, il sera en mesure de développer les thèmes qui lui tiennent à cœur. Ainsi, les apprentis-peintres ont-ils des modèles auxquels ils recourent pour s’entraîner à copier tous les thèmes possibles, il s’agit des manuels de peinture. On en trouve déjà trace dans les nombreux manuscrits découverts à Dunhuang, mais c’est avec la dynastie des Ming (1368-1644) que l’imprimerie a laissé des témoignages nombreux de ce type de manuel, ce qui est lié au développement particulièrement intense de l’image, connue par les éditions xylographiques qui en conservent la mémoire. C’est aussi sous les Ming que l’estampe en couleurs est à son apogée et produit des impressions polychromes particulièrement réussies et souvent copiées, permettant ainsi de véhiculer ces modèles innombrables. Un des documents particulièrement représentatifs de ce type d’édition est le « Studio des dix bambous » (shizhuzhai huapu).
Une typologie vaste de manuels didactiques
L’on se doit de mentionner d’autres manuels de peinture afin de montrer l’importance prise par ce type de documents et également la diversité de ces manuels, d’intérêt parfois inégal. Ainsi, parmi ces nombreux recueils, l’on peut distinguer le « Jiya huapu »[集雅画谱], « Shiyü huapu »诗余画谱[ ], « Huasou » [画薮 ], « Xuehu meipu » [雪湖梅谱], Chengshi zhupu [ 程氏竹谱], Chengshi mofan [程氏墨范], Baiyong tupu [ 白咏图谱], Baimei tupu [ 百美图谱], Suoyuan shipu [索园石谱 ],.. Ces volumes, à contenu didactique, se rapprochent parfois d’autres ouvrages encyclopédiques plus larges, couvrant davantage de domaines, tels le Corpus des antiquités en planches, « Bogutulu » [ 博古图录] (ill.1), sorte de sommaire illustré relatif aux pièces antiques, en particulier jades et bronzes, des notices précises accompagnent chaque planche xylographique, « Renjing yangqiu » [人镜阳秋], « Tiangongkaiwu » « Wujingzongyao [武经总要 ], Yangzhang tujie » [ 养正图解], « Guifan tushuo [闺范图说 ], Zhuangyuan tushuo [ 状元图考]. Quelques ouvrages, devenus, comme tous ceux cités, très rares en édition originale, ont fait l’objet de retirages successifs. Certains de ces ouvrages sont considérés comme particulièrement représentatifs du savoir et des centres d’intérêt des clercs.
Ci-dessus, (ill.2) le Manuel de peintures anciennes et modernes [古今画谱]
Ci-dessous, (ill.3) le Manuel d’éventails célèbres [名公扇谱] dû au Qinghuizhai [清绘斋]
La famille Huang ainsi que le Jiyazhai [集雅斋], dont le responsable est Huang Fengchi [黄凤池] ont aussi produit, outre le « Shiyu huapu » [诗余画谱], les Quatre manuels du chrysanthème, de l’orchidée, du bambou et du prunier, [梅竹兰菊四谱], un Manuel des oiseaux, fleurs et végétaux [木本花鸟谱], un Manuel de poésie des fleurs et simples [草本花诗谱], le Manuel de peintures anciennes et modernes [古今画谱] (ill.2), le Manuel d’éventails célèbres [名公扇谱] (ill.3) dû au Qinghuizhai [清绘斋]. Il en existe une forme collective, le Manuel de la famille Huang en Huit catégories [黄氏画谱八种].
Le Tiangong kaiwu [天工开物 ] (ill.4) est une encyclopédie de l’artisanat et des techniques que l’on peut à la fois ranger dans les manuels à peinture par l’excellence des illustrations xylographiques qui accompagnent le texte autant qu’elle devrait être contenue dans le vaste rubrique des livres scientifiques édités au fil des dynasties.
Ci-dessus, (ill.4) Le Tiangong kaiwu [天工开物 ], une encyclopédie de l’artisanat et des techniques.
L’ouvrage est rédigé vers la fin de la dynastie des Ming par un lettré, Song Yingxing [宋应星][1]. Il va travailler à cette encyclopédie qu’il rédige de 1634 à 1639, l’ensemble est partagé en 3 livres comprenant un total de 18 rubriques. Chacune passe en revue aussi bien techniques agricoles que tissage, fabrication de la porcelaine, des instruments en métal, des tuiles en terre cuite et également du papier…
L’auteur connaît bien certaines zones géographiques : cours moyen et inférieur du Fleuve Bleu, tout autant que certaines provinces du sud, Zhejiang, Guangdong, Fujian et des industries artisanales qui leur sont spécifiques : industrie porcelainière de Jingdezhen, de Hangzhou, fabrication de la canne à sucre,…
Outre cette première édition, entre la fin des Qing et le début de la République, une autre édition notable paraît, due à Tao Xiang [陶湘][2], bibliophile, éditeur.
La rubrique relative à la fabrication du papier fait le point sur les matériaux susceptibles de donner du papier, le bambou, le mûrier et autres végétaux. Il est insisté sur l’importance du bambou en tant que matière première. Cinq illustrations accompagnent ses propos, qui couvrent ce processus.
Elles décrivent la coupe des tiges de bambou, les étapes qui se succèdent pour les transformer en pâte, leur mise en feuilles et le séchage des feuilles.
Le « Gushi huapu » [ 顾氏画谱] (ill.5) (manuel de peintures de Gu Bing).
L’édition a pour nom original « Lidai ming gong huapu » [历代名公画谱 ] {manuel de peintures célèbres des différentes dynasties). L’ouvrage est imprimé en 1603 à Hangzhou. Le compilateur est Gu Bing [顾炳], peintre natif de cette même ville. Il a pour nom personnel An Ran [黯然 ], son surnom est Huai Zuan [怀泉 ]. Il étudie la peinture sous la direction de Zhou Zhimian [ 周之冕] et se spécialise dans la peinture d’oiseaux et de fleurs. L’ouvrage contient une introduction due à Zhu Zhifan [朱之番 ], et les peintures, oeuvres reproduites représentent des paysages, personnages, oiseaux, fleurs,…
Les différentes illustrations de cette source s’échelonnent de la dynastie des Jin, représentée par le peintre Gu Kaizhi[顾恺之] jusqu’à celle des Ming avec par exemple Wang Yance [ 王延策]. L’on compte un total de 106 œuvres d’artistes différents.La diversité des exemples choisis, toujours célèbres, et unanimement reconnus ont ainsi guidé ce choix où alternent paysages, peintures de fleurs et oiseaux, personnages historiques. C’est, en outre, le goût des lettrés de l’époque. La peinture de paysage est représentée par des artistes tels Yan Liben [阎立本 ], Wu Daoxuan [吴道玄 ], Su Hanchen [ 苏汉臣], Chou Ying [仇英 ] .
Pour les paysages, Li Si xun [ 李思训 ], Wang Wei [王维], Ma Yuan [马远], Xia Gui [夏王圭 ], Wang Meng [ 王蒙]. Fleurs et oiseaux sont illustrés par Huang Sheng [黄笙], Zhao Chang [赵昌], Wang Yuan [王渊 ], Chen Chun [ 陈淳].
Le « Shiyu huapu » [诗余画谱] (ill.6).
Cet ouvrage a pour autre titre « Caotangshi yuyi » [草堂诗余意 ]. D’après la préface de Huang Mianzhong [黄冕仲 ], le manuel est dans la lignée d’autres, tel le « Yongwu shixuan » [咏物诗选 ] ou « Baiyong tupu » [ 百咏图谱], sélection de compositions poétiques illustrées de Gu Zhongfan [顾仲方 ], et le « Hainei qiguan » [海内奇观 ], recueil de paysages particuliers, dû à Yang Zhiheng [杨雉衡 ]. Le compilateur de l’ouvrage, un dénommé Wang [汪], est originaire de Xin’an. Sur les cent compositions prévues à l’origine, 97 ont été conservées.L’ouvrage paraît durant la 40e année du règne de l’empereur Wanli, soit en 1612. A chaque composition correspond une illustration. Sur certaines planches, les personnages sont en une encre gris clair, couleur qui contraste sur le noir et le blanc. Le « Huasou [画薮 ] (le lac de la peinture}. L’ouvrage appartient à une série, le « Yimen guang pian » [夷门广片 ], ouvrage compilé par Zhou Luqing [周庐清], et imprimé en 1597 à Jinlu, au Jingshan shulin [荆山书林 ], établissement dont le nom peut se traduire par « Forêt de livres des monts de ronce », allusion à une particularité de l’endroit ou façon imagée de rappeler les difficultés de s’y retrouver dans la profusion des livres… Le contenu est relatif à une série de mélanges artistiques: une des parties, le Huasou traite de peinture, et contient cinq subdivisions, en fait, cinq parties :
- un manuel des personnages;
- manuel des bambous ;
- manuel des pruniers ;
- manuel des orchidées ;
- manuel des fleurs [diverses], insectes, oiseaux.
La première partie est la plus dense, et la plus digne d’intérêt. Elle est due à Wen Jiajiao [文嘉校]. Les illustrations, une quarantaine, sont précédées d’une discussion sur la théorie de la peinture. Cet ouvrage en influencera d’autres qui lui seront postérieurs, notamment le « Shizhuzhai qianpu » [十竹斋笺谱] (manuel du papier à lettres du studio des dix bambous}, ou tout aussi bien le « Jardin du grain de moutarde », dont le 4e juan est relatif aux personnages.
A Xin’an, Huang Fengchi [黄风池], Tang Wenru [ 唐文如], Zhang Baiyun [张白云 ], compilent le Tangshi huapu [唐诗画谱] [3], édition illustrée de poésies de la dynastie des Tang. Les illustrations sont dues à Cai Yuanqin [蔡元勤 ]. Les graveurs, Dont Liu Ciquan [刘次泉] est un exemple, appartiennent au mouvement du Anhui.
L’ouvrage est réalisé vers 1621. Il comprend 8 parties dont les divisions correspondent à la classification des genres poétiques :
- manuel de poésies Tang en 5 caractères ;
- manuel de poésies Tang en 6 caractères ;
- manuel de poésies Tang en 7 caractères ;
- manuel de pruniers, orchidées, bambos, chrysanthèmes ;
- manuel de peintures anciennes et modernes ;
- manuel de fleurs et oiseaux (1 et 2}.
D’autres ouvrages ont une démarche quelque peu semblable, le Suoyuan shipu [索园石谱 ], qui est un corpus sur les pierres aux formes étranges, en provenance de différents endroits; le « Xuehu meipu » [雪湖梅谱] (manuel des pruniers du lac neigeux), ouvrage regroupant des paysages partculiers, accompagnés de textes; le « Jinlu tuyong » [金陆图咏 ] (compositions illustrées de Jinlu},…
Le « Chengshi mofan » [程氏墨范 ] (ill.7) [Recueil des pierres à encre de Cheng Dayue] est compilé à Xin’an par Cheng Dayue [程大约]. L’illustrateur, Ding Yunpeng [丁云鹏 ] laisse la réalisation des gravures à Huang Ling [黄灵]. Cheng Dayue est un fabricant d’encre célèbre du Anhui, Il fait appel à Ding pour illustrer les 20 juan de cet ouvrage descriptif, relatif aux croyances chinoises, cependant que 4 planches sont consacrées à la religion occidentale, le catholicisme: scènes représentant la Vierge tenant l’enfant Jésus dans ses bras, la marche sur les eaux,… Ces gravures sont exécutées à partir de modèles occidentaux, en gravure sur cuivre, L’ouvrage paraît en 1596, soit durant la 23e année de règne de l’empereur Wanli.Cette période voit la venue en Chine de nombreux missionnaires occidentaux, principalement français, italiens, espagnols. L’un des plus zélés est Matteo Ricci, qui arrive en 1581 en Chine, où il reste jusqu’à sa mort, qui survient en la capitale en 1610, Lors de sa venue, afin de procéder à son travail d’évangélisation, il a dans ses fonds des séries d’estampes religieuses, notamment dues aux frères Wierix, Ces gravures sur cuivre sont regravées en xylographie, adaptées à un nouveau public, celui des personnes à convertir, celles qui constituent la classe des lettrés.
Le jardin du grain de moutarde
Ce recueil, Jieziyuan huazhuan[4] [芥子园画传] (ill.8), constitue pour la critique chinoise une suite au Manuel de peinture du studio des dix bambous de la fin des Ming. L’accueil qui lui a été réservé depuis sa création, les recherches, éditions dont il est encore l’objet, justifient, outre l’intérêt propre qu’il possède, une présentation suivant trois directions : d’abord sur le contenu du recueil et la personnalité de son éditeur intellectuel ; puis une justification de son succès ; enfin, les influences exercées par et sur l’oeuvre.
(ill.8), Jieziyuan huazhuan[4] [芥子园画传], Le jardin du grain de moutarde.
L’ouvrage se compose de quatre recueils. Une introduction est rédigée par Li Yu [李渔], puis suivent cinq juan, dans ce premier volume qui contient une partie théorique relative à l’esthétique, complétée par des explications sur les différentes façons d’appliquer la couleur. Le deuxième juan « manuel des arbres » (shupu) [ 树谱 ], est constitué de planches, tandis que le suivant est relatif aux roches et montagnes, (shanshipu) [山石谱]. Le quatrième présente personnages, ainsi qu’éléments d’architecture, puis paysages, oiseaux et animaux ; un traité est consacré à l’orchidée, au bambou, au prunier, au chrysanthème. Le dernier, juan cinquième, comprend toutes sortes de compositions, en hauteur et en largeur, circulaire, inscrite dans un éventail ; les peintres célèbres sont également illustrés par des reproductions de leurs oeuvres.
La conception du premier recueil remonte à l’année 1679. Ceci apparaît dans l’introduction de Li Yu [ 李渔 ], lettré et dramarturge de la fin des Ming et du début des Qing. Il a pour nom personnel Liwong [笠翁 ]. Après la chute de la dynastie Ming, il se retire pour mener une vie solitaire. Il se construit, alors qu’il est déjà âgé, une résidence sise à Nankin, « le jardin du grain de moutarde ». C’est dans cet endroit que ce recueil est réalisé, endroit dont il prend le nom qui devient un titre.
Dans son introduction, Li Yu rappelle qu’une personne de sa famille, Shen Yinbo [ 沈因伯 ] prie le peintre Wang Gai [王概.], de son nom personnel An Jie [安节], de créer différentes scènes en s’inspirant d’un artiste de la fin de la dynastie des Ming, Li Liufang [李流芳]. A l’origine, le travail de Li Liufang comprend 43 pages, nombre qui parvient à un total de 133, le triple, après l’intervention de Wang Gai, qui met trois années à exécuter ses compositions originales.Le second recueil commence à être imprimé en 1701, son achèvement prend 22 années. Wang Gai indique dans la préface que Li Yu est déjà mort à cette date. Huit cahiers forment le contenu de cet ouvrage :
Les deux premiers sont un manuel de l’orchidée, les 3e et 4e, du bambou, les 5e et 6e du prunier, 7e et 8e, du chrysanthème. Avant chaque manuel, des parties introductives relatives à la manière de composer ces végétaux, les planches forment la suite. Pour ce 2e livre, Wang Gai fait appel à se deux frères, Wang Zhu [王著 ] et Wang Quan [王泉]. De plus, deux peintres célèbres de Hangzhou, Qian Tang [钱塘 ] et Zhu Sheng [诸升] rédigent les parties relatives aux bambous et orchidées ; Wang Zhi [王 质 ] se charge de celle sur les pruniers et chrysanthèmes.
L’impression du 3e recueil est contemporaine de celle du 2e, commencée en 1701, elle n’est achevée que deux ans après, au printemps. Les trois frères Wang sont encore sollicités. Un ami de Wang Zhu, Wang Zehong [王泽弘], participe également à l’ouvrage. En tête du 3e recueil, se trouve l’introduction des deux hommes. Le recueil se divise en quatre cahiers. Le 1er et le 2e sont relatifs aux insectes, herbes, oiseaux et fleurs. Les 3e et 4e, aux oiseaux et fleurs[5].
Une différence entre les 1er et 3e cahiers : l’un est relatif aux végétaux, l’autre, le 3e, aux arbres. En fin de recueil, des explications de Shen Yinbo sur l’application de la couleur où est expliquée l’utilisation des minéraux variés grâce auxquels ces couleurs sont faites.
Wang Gai est l’un des responsables de la rédaction. Il est originaire de Xiushui [秀水] au Zhejiang, et a pour nom personnel Anjie [ 安节]. Il réside à Nankin, où il est peintre, ainsi que ses deux frères.
Le quatrième recueil est imprimé en 1818 – soit 83 ans après les trois recueils précédents – à Suzhou au Xiaoxi shanfang [ 小西山房 ]. Ding Gao [丁皋], peintre originaire de Danyang [丹阳 ] explique d’abord la méthode d’exécution des personnages dans le premier cahier.
Les cahiers suivants vont montrer ces différentes catégories : divinités bouddhiques dans le deuxième, tandis que le troisième est consacré aux sages, le 4e aux beautés. Notes explicatives et illustrations se retrouvent également à travers un autre recueil, le Wanxiaotang huazhuan [晚笑堂画传].
D’autres éditions de l’ouvrage, plus tardives, existent. Ainsi, en 1885, soit durant la 10e année de règne de l’emepereur Guangxu, paraît à l’initiative de Chao Qin [巢勤], le Jieziyuan siji xuhuazhuan [ 芥子园四集续画传] (Suite en quatre volumes du recueil de peintures du Jardin du grain de moutarde), la qualité de l’impression est quelque peu inférieure.
Le succès de l’oeuvre originale est lié à la précision tant pour la gravure des planches que pour leur tirage. Shen Yinbo a insisté sur l’importance du doigté dans sa partie introductive. Il considère que lors de la gravure des planches, le couteau remplace le pinceau, utile en d’autres circonstances. C’est seulement lorsque l’imprimeur maîtrise la densité de l’oeuvre qu’il obtient un résultat appréciable.
La démarche reste globalement celle adoptée pour l’ouvrage du studio des dix bambous.
L’influence du jardin du grain de moutarde.
Après le milieu de la dynastie Qing, soit environ en 1796, date de fin de règne de l’empereur Qianlong, d’autres éditions paraissent, qui correspondent à certains besoins du public. Ces traités quelque peu similaires ont tous des fonctions qui obéissent à différentes causes :
- en premier lieu, la fonction de manuel didactique, à cette époque, les lettrés aiment à se livrer à la composition poétique. Ils recourent alors à ces volumes qui densifient leurs écrits.
- les étudiants, outre le fait de suivre les conseils du maître, font un usage fréquent de ce manuel
- du règne de Kangxi à celui de Qianlong, l’influence des « Quatre Wang » et de leurs paysages est prédominante : tout apprenti-peintre se doit d’être particulièrement attentif à la conception graphique de l’oeuvre.
- l’absence de la photographie, ou du cliché verre, ne rend pas facile la reproduction d’oeuvres d’artistes anciens. Le manuel prend ainsi valeur d’encyclopédie.
Des oeuvres semblables paraissent, qui traitent d’un sujet particulier, ou l’abordent de façon différente, ainsi, le Xiezhu jianmingfa [写竹简明法] (Méthode simple pour tracer des bambous), est réalisée en 1792 sous le règne de Qianlong.
Si l’on considère généralement que la première édition du Jardin du grain de moutarde ne devait pas excéder un tirage de quelques centaines d’exemplaires, la situation change avec le nombre important d’éditions postérieures : plus de onze rééditions sont connues, contenant des bois à nouveau gravés, parfois de qualité bien inférieure, des variantes sont apportées à la constitution des différents cahiers.
Ainsi en va-t-il d’une édition de Suzhou, imprimée au Jinchanshu yetang [金阊书业堂], au printemps 1782 ; une autre, de 1785, est également remaniée et comprend de nombreuses corrections.
A Nankin, au Wenguangtang [文光堂], l’aspect même du volume se modifie, qui s’inspire de celui de Suzhou : couleurs, valeurs d’encre changent, se font plus provocantes.
Durant la 12e année de règne de Guangxu, soit en 1887, paraît à Shanghai une édition lithographique, au Hongwen shuju [鸿文书局], Chao Qin, peintre collectionneur qui possédait un exemplaire original de ce manuel est à l’origine de cette production. Il ajoute en fin de volume des éléments relatifs à des peintres célèbres tels que Ren Bonian任伯年], Wu ChangsHuo [吴昌硕 ], Yang Bomin [杨伯闵 ],… Ce recueil prend le nom de Zengguang mingjia huapu [增广名家画谱] (Manuel des peintures des maîtres célèbres du passé) ; l’introduction est due à He Yong [何 镛 ] ; l’on trouve des lithographies en couleurs.
La vogue et l’utilité des manuels de peinture reste importante en Chine, collectionneurs et artistes les utilisent autant pour le plaisir que pour l’utilité de leur formation technique, culturelle ou esthétique. Qu’il s’agisse des éditions originales ou des nombreuses rééditions xylographiques qui existent. Depuis quelque vingt années, les éditions numériques ont fait leur apparition sur les innombrables banques de données et sites chinois, documents qui ne remplacent nullement le plaisir d’avoir entre les mains un original !
[1] (1587 – ?). Originaire de Fengxin [奉新] dans la province du Jiangxi, il a pour nom personnel Changgeng [长庚] et est en fonction sous le règne de plusieurs empereurs, notamment Shenzong (1572-1619) quand il commence sa carrière. Il est d’abord nommé à des fonctions qu’il exerce dans sa province, puis est en poste à Tingzhou [汀州] au Fujian. Après le renversement de la dynastie, il se consacre davantage à l’étude ; c’est durant les années 1628-1644 qu’il rentre dans son pays natal
[2] autre nom pour Sheyuan [涉园] (1871-1940), qui a pour nom personnel Lanquan [兰泉]. Originaire de Cixi [慈溪] au Zhejiang, il s’investit dans des activités commerciales après la révolution de 1911, devient notamment directeur de la Banque de Chine de Tianjin. Il collectionne des éditions anciennes, song, yuan, ming et qing et laissera une collection de plus de 300 000 livres. On lui doit l’édition de plus de 250 ouvrages dont le Tiangong kaiwu. Une édition en fac-similé est parue en 1995 à l’initiative de la Fugu yinshua de la province du Zhejiang à partir de cette précédente publication.
[3] L’ouvrage, qui a fait l’objet de contrefaçons diverses, a été repris au Japon où il a connu une vogue notable, de même qu’ont été réalisées des gravures sur cuivre.
1Le nom de cet atelier fait référence à un passage du Zhuangzi , texte taoïste de l’époque des Royaumes Combattants (481-255). En parlant de la relativité de toutes choses, le Zhuangzi compare l’immensité du monde à la grandeur d’un grain de moutarde. Reprenant à leur compte cette image, les éditeurs de l’Album de peinture du Jardin grand comme un grain de moutarde s’efforcent de démontrer que l’immensité du monde peut être captée par quelques minuscules traits de pinceau. Composé à l’intention de ceux qui désiraient s’initier à la peinture à travers l’imitation des modèles classiques anciens, l’Album de peinture propose en fait un cours de dessin complet et méthodique, partant du trait pour aboutir à des sujets concrets et achevés. La publication de cette collection d’estampes célèbres a été entreprise dès l’année 1679. Les dernières pièces ne suivront que quarante ans plus tard. L’Album de peinture du Jardin grand comme un grain de moutarde a été introduit en Occident par Raphaël Petrucci, en 1918, à travers son Encyclopédie de la peinture chinoise, qui donne une traduction, des commentaires et un choix important de reproductions d’estampes. cf l’Art de l’Extrême-orient vu à travers la bibliothèque de Pierre jacquillard. Neuchâtel : bibliothèque publique et universitaire, 1988, p. 21.
[5] on trouve à la BNF, Cabinet des Estampes, des estampes appartenant à ce recueil, Df 32(1) coll. Lieure, 1943 (9890) n°549].
Orientation bibliographique
- NEEDHAM, Joseph (1900-1995), Science et civilisation en Chine : une introduction / Joseph Needham ; éd. abrégée / établie par Colin A. Ronan ; trad. de l’anglais par Frédéric Obringer, Arles : P. Picquier, 1995. 356 p. : ill., couv. ill. en coul. Bibliogr. p. 339-344. Index, Trad. de : The shorter science and civilisation in China
- NEEDHAM, Joseph, Science and civilisation in China. Volume 5, Chemistry and chemical technology. Part I, Paper and printing / by Tsien Tsuen-hsuin,… Cambridge ; London ; New York [etc.] : Cambridge university press, 1985 (XXV-485 p.) : ill. Bibliogr. pp. 389-450. – Index
- COMENTALE, Christophe, Les estampes chinoises : l’invention d’une image. Paris : Éd. Alternatives, 2003. 143 p. : ill. en noir et en coul., couv. ill. en coul. Bibliogr. p. 142
- [Le manuel du jardin du Grain de Moutarde] Kiai-tseu-yuan houa tchouan, Les enseignements de la peinture du jardin grand comme un grain de moutarde. Encyclopédie de la peinture chinoise. Traduction et commentaires par Raphaël Petrucci, augmentés d’une préface, d’un dictionnaire biographique des peintres et d’un vocabulaire des termes techniques… Paris : H. Laurens, 1918. In-fol. (405 x 285), XII-519 p., fig.
- [Encyclopédie des techniques en Chine. Tiangong kaiwu ] SONG, Yingxing, Chinese technology in the seventeenth century : T′ien kung k′ai wu / Sung Ying-hsing ; transl. from the Chinese and annotated by E-tu Zen Sun and Shiou-chuan Sun, Mineola (N.Y.) : Dover publ., 1997. XII-372 p. : ill. Bibliogr. pp. 311-338. Index. – « T′ien kung k′ai wu », titre original figuré sur la p. de titre s’agit d’une autre forme de transcription. Fac-sim. de l’éd. de University Park : Pennsylvania state university, 1966
- [Le manuel du Jardin du Grain de Moutarde] WANG Kai, The Tao of painting, a study of the ritual disposition of Chinese painting. With a translation of the Chieh tzŭ yüan hua chuan, or Mustard seed garden manual of painting [of Wang Kai], 1679-1701, by Mai-mai Sze… New York, Pantheon books, (s. d. [cop. 1956]). 2 vol. in-4°, fig., pl. en noir et en coul. -IXc- Vol. 1. The Tao of painting. – XXII-160 p., pl. en coul. Vol. 2. The Chieh tzŭ yüan hua chuan. – XXXVI-587 p., fig., planche (Bollingen series. 49). Il existe une éd. en un volume : The Mustard Seed Garden, manual of painting, translated from the chinese and edited by Mai-mai Sze. New York : Bollingen Foundation, 1977. XVII-624 p. Index, pp. 623-624.
- [Le Studio des dix bambous] Le Studio des dix bambous, estampes et poèmes, présenté, traduit et annoté par François Reubi. Genève : Skira, 1996. 142 p. ill. Bibliog. p. 142.